"Dostoïevski, démon de Malraux", de Sylvie Howlett
Agrégée de lettres et docteur en littérature française, s'intéresse à l'intertextualité dans la littérature européenne, participant à divers séminaires et conférences et écrivant dans de nombreuses revues tout en publiant occasionnellement quelques traductions d'ouvrages russes ou même allemands.
Avec Dostoïevski, démon de Malraux, elle nous propose une version réduite de moitié, mais actualisée par ses récents colloques et articles, de la thèse qu'elle soutint à Paris III en septembre 2002. Un essai érudit et très étayé d'environ quatre-cent pages - plutôt destiné aux universitaires et à tous ceux qui étudient Malraux mais néanmoins accessible aux non-spécialistes malgré l'épaisseur impressionnante de sa matière - dont le style n'a rien d'obscur ni de rébarbatif.
La découverte de Dostoïevski fut capitale pour André Malraux, pour l'écrivain et surtout le romancier mais aussi pour l'homme qui en fut marqué dans tous ses domaines d'activité. Et cet essai nourri s'inscrivant dans une large perspective, ouverte et dynamique, éclaire de manière passionnante la compréhension de l'oeuvre du génial écrivain russe par Malraux et la transfiguration de cet héritage dostoïevskien au fil de ses propres livres résultant d'un phénomène d'emprise et de déprise.
André Malraux
Sylvie Howlett, menant son travail sous trois angles d'approche, commence par évoquer le cadre dans lequel s'inscrivit cette rencontre littéraire, du choc solitaire d'une première lecture à dix-sept ans à la progression dans l'oeuvre et à l'évolution de sa perception au fil des relectures de ce maître étranger et des lectures de ses commentateurs. Car la perception de Dostoïevski après la guerre de 1914 a été profondément changée du fait du bouleversement consécutif des mentalités et de l'arrivée de nouvelles traductions beaucoup moins approximatives et plus complètes.
Elle se penche ainsi sur le Malraux adolescent, préparé par la lecture de Balzac et surtout de Nietzsche, dont l'esprit fut immédiatement "contaminé" comme par capillarité, puis sur le jeune adulte dont la lecture s'infléchit et la réflexion s'enrichit sous l'influence des études dostoïevskiennes de ses aînés - celles d'Elie Faure, d'André Suarès et surtout d'André Gide et de Léon Chestov qui venaient remiser «les vieilles icônes» de la fin du XIXème siècle.
Elle étudie également la diffusion de cette contamination chez Malraux théoricien de la littérature et critique d'art, militant ou homme politique, répertoriant les articles, les préfaces et les annotations, ainsi que les nombreux discours ou entretiens attestant la forte présence de Dostoïevski dans la voix de Malraux, ce dernier semblant vraiment habité par ce démon russe dont il ne s'émancipera que progressivement. Un démon mâtiné d'un "poisson pilote" proposant un sens à tout ce que Malraux aborde, ce qu'annonce l'épigraphe tirée de L'Intemporel :
Comme les requins sont précédés de leurs poissons-pilotes, notre regard est précédé d'un regard-pilote, qui propose un sens à ce qu'il regarde... Nous nous croyons bien à tort libres de ce regard.
Agrégée de lettres modernes et docteur ès lettres, Sylvie Howlett qui possède une maîtrise de russe est également traductrice. Elle participe à de nombreux colloques, publiant divers articles et études littéraires. Elle a réalisé par ailleurs de très pertinents dossiers pédagogiques pour des éditions scolaires : notamment sur L'assassinat du Pont-Rouge de Charles Barbara,
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fiodor_Dosto%C3%AFevski
https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Malraux
TABLE DES ABREVIATIONS....................................................................9
INTRODUCTION....................................................................................11
Première partie
LES METAMORPHOSES DE DOSTOIEVSKI
LA DESTRUCTION PROGRESSIVE DES ICONES ..................................17
La méprise
Les éclaireurs
Enfin Gide vint
Heurs et malheurs de Chestov
LES LECTURES MALRUCIENNES
Enfance et adolescence (1901/1918)
La découverte de nouvelles « valeurs » : 1918-1923
De l'aventure indochinoise (1923-1926)
aux premiers romans (1926-1933)
L'accompagnement des communistes en URSS
L'accompagnement des communistes « à l'ouest »
Le résistant, l'homme politique
et le critique d'art (1944/1976)
Le démonisme dostoëvskien
Deuxième partie :
MALRAUX, THEORICIEN
DE LA LITTERATURE DOSTOIEVSKIENNE
LE DOSTOIEVSKI DE MALRAUX.....................................................63
Un Lazare révolté
Le simulacre d'éxecution
La maison des morts
Les engagments idéologiques de Dostoïevski
DES PERSONNAGES INCARNATIONS D'IDEES...............................73
Ivan Karamazov
La dialectique d'Ivan et de ses frères
Les Karamazov, Raskolnikov et Stavroguine
Raskolnikov, le shismatique matriciel
Stavroguine, le « grand pécheur »
Mychkyne, le saint ambigu
Kirilov, le pédagogue de l'absurde
Les fameux bouffons
Bouffons ou héros tragiques
Saintes et prostituées
Le renversement malrucien :
des femmes connectrices de fiction
LE RESEAU DES THEMES DOSTOIEVSKIENS ................................105
Les trois formes du destin dans les romans de Malraux
Le destin dans l'art
Le roman russe comme accès à l'antidestin
Pascal, Dostoïevski et le destin selon Malraux
Quelle foi ?
La mystérieuse rivalité du supplice de l'innocence
avec l'héroïsme ou l'amour
La vérité, le Christ et la science
L'interrogation de la vie par la mort
Le Christ et les démons
LE LABORATOIRE DE LA CREATION ROMANESQUE.....................133
La conception du romanesque
La mise en scène(s)
L'antériorité des scènes
« Pauvre romancier pour qui le roman
serait seulement un récit !
REPRESENTATIONS SCRIPTURALES ET PICTURALES..................149
Le roman-tragédie
Les narrateurs
Paraboles et apologues
Les schèmes
Seuils et scènes conclaves
Rêves et « gestes »
L'écriture picturale :
descriptions et « palettes »
Clair-obscur et soleils couchants
L'ECRITURE DITE « CINEMATOGRAPHIQUE »..............................175
Mise au point
L'inscription dans le cosmos
L'ellipse
Fondus enchaînés et surimpressions
Troisième partie :
UNE INTERTEXTUALITE DEMONIQUE
LES DEMONS FARFELUS................................................................187
L'auto sacramental dostoïevskien
Un diable karamazovien
Des apocalypses farfelues
LA TENTATION ORIENTALE............................................................199
Fragments préparatoires
Les tentations de l'Occident
La transformation du meurtrier
Soleils couchants et Christ mort
« UN VRAI CONQUERANT,
DE CEUX AUXQUELS TOUT EST PERMIS ....................................211
Une présence liminaire
Garine, l'aventurier et le joueur
Puissance, solitude, et incapacité d'aimer
Malraux, Chestov et Dostoïevski : l'histoire d'un repentir
Garine, Hong, Klein
et les « communistes du type romain »
SADISME ET ENTOMOLOGIE .......................................................227
La jungle inhumaine et l'enfer du bagne
Sexualité et perversions
Aventuriers et hommes de la fourmilière
Dostoïevski ou Michelet ?
L'HUMAINE CONDITION
Pascal et Dostoïevski ......................................................245
Les Pensées, revisitées par Dostoïevski
Les martyrs
D'une « fraternité pleine d'angoisse»
à la « fraternité de la mort »
Katow, le Christ et Chatov
Le joueur mythomane
« Le meurtrier tragique »
La résurrection d'Hemmelrich
LE TEMPS DU NON-DIT ..................................................................277
Un pré-texte ?
Maison morte et hallucinations
Orchestration positive et négative
Les insectes du sous-sol
« Si le grain ne meurt...»
Les « moyens » du père et des dialogues
VARIATIONS ESPAGNOLES SUR DES THEMES RUSSES.............293
« Une sorte de suite à L'Espoir »
L'Espoir et le cinéma
La peine de mort et le jeu dérisoire
Le sermon de Collado
Des dialogues en abyme
La voix
LES REFLETS DE L'ALTENBURG...................................................319
Les fragments det la « suite » de La lutte avec l'ange
Dialogue socratique et satire ménippée
Dostoïevski derrière une vitre :
transparence et réflexion
Aquarium ou vitrine ; vitre ou miroir ?
Art et chamanisme
« Le voilà, le voilà, le tour de passe-passe ! »
Le camp, la sape et la « Maison des morts »
La lutte avec l'ange
« Mais prenez garde à son petit couteau »
(Lorenzaccio)
La rivalité du démonique et du démoniaque
Transmission des pères et autres schèmes
LE DAIMON DE L'ECRITURE.........................................................341
Le sous-officier, le colonel et le coronel
La lecture du Mythe de Sisyphe
Pourquoi réécrire Les Sept piliers
sous l'égide de Dostoïevski ?
« L'idiot slave »
Le Mal
Humilité et humiliation
Joueurs et aventuriers
La pulsion démonique et la foi
Prédication et accusation du monde
La fabrique du réel
Une confrontation ininterrompue
LE RETOUR DU MALIN..................................................................367
Jeux de titres
Le Malin
Un univers surnaturel
Le Diable du christianisme
Les rivaux du Malin
Retour des farfelus
Le dernier clap de Clappique
CONCLUSIONS .............................................................................387
BIBLIOGRAPHIE ..........................................................................393
INDEX DES NOMS DE PERSONNES .............................................405
INDEX DES NOMS DE PERSONNAGES ........................................409