"Musa d'un populu, Florilège de la poésie corse contemporaine" de Norbert Paganelli
Sous le titre Musa d'un populu nous rappelant combien la poésie est ancrée dans la tradition populaire corse (1), Norbert Paganelli, poète lui-même, nous offre un impressionnant Florilège de la poésie corse contemporaine de presque six cents pages regroupant (dans l'ordre alphabétique) pas moins de cinquante-deux poètes de notre époque ! Une anthologie poétique bienvenue car il en existe peu de récentes et aucune de cette ampleur.
1) Une tradition de la poésie chantée faisant notamment du texte le support du chant
On ne pouvait recenser en effet depuis le début du XXIème siècle que, semble-t-il, trois anthologies poétiques corses - qui pour deux d'entre elles n'eurent qu'une faible diffusion.
La plus connue A Filetta, la Fougère, onze poètes corses contemporains (PHI, 2005), ouvrage bilingue coordonné par Francescu-Micheli Durazzo qui s'ouvrait sur Ghjacumu Biancarelli (1936-1999) et s'achevait sur son neveu Marcu (1968- ), avait pour ambition de présenter chronologiquement par date de naissance de leurs auteurs "les meilleures pages de la poésie corse des dernières décennies", ajoutant ainsi au critère linguistique du corse comme langue source un critère qualitatif supposant une évaluation critique. Une anthologie dans laquelle les écritures féminines s'avéraient rares (2 sur 11).
Plus confidentiellement et dans une conception plus ouverte (2), la revue poétique NU(e) présenta en 2010 dans son numéro 44 un volume de plus de deux cents pages qui réunissait treize poètes contemporains originaires de Corse et d'expression corse ou française (ainsi que deux plasticiens), également dans une version bilingue. Une ouverture qui fit entrer un peu plus de femmes poètes, celles-ci restant toujours minoritaires (4 sur 13).
2) Considérant que les auteurs corses dont l'imaginaire est lié "à la tradition poétique orale en langue corse" disposent "qu’ils soient réellement ou virtuellement bilingues" de "deux codes possibles" pour s'exprimer dans leur oeuvre écrite http://www.revue-nue.org/spip.php?article139)
Quant à la dernière en date, Une fenêtre sur la mer/ une anthologie de la poésie corse actuelle, elle fut publiée en décembre 2014 chez Recours au poème éditeur, un jeune éditeur poétique numérique à la trajectoire malheureusement éphémère (auquel nous devons de bien belles réussites et dont ne subsiste plus que la revue numérique Recours au poème.)
Angèle Paoli, désireuse de faire exister les poètes corses au-delà des frontières, et dans "une expérience collective fondée sur l'amitié et l'amour de leur île et de leur langue" y mettait en avant vingt poètes nés ou originaire de l'île – dont elle-même -, onze hommes et neuf femmes s'exprimant pour moitié en corse (7 hommes et 3 femmes) et pour l'autre en français (6 femmes et 4 hommes). Une anthologie plus équilibrée toujours présentée en version bilingue corse/français ou français/corse.
A ces trois anthologies, on ajoutera également Terres de femmes / Terre di donne, 12 poètes corses paru aux éditions des Lisières, en juillet 2017 comme Musa d'un populu, ouvrage dans lequel Angèle Paoli nous fait entendre la voix de poètes "au féminin", d'expression corse ou française et toujours dans une version bilingue.
Si Norbert Paganelli, comme il nous l'expose dans sa préface, avait pour projet de s'en tenir au corse comme langue source - une langue qui semble plus pour lui l'expression d'un lien charnel avec l'île qu'un marqueur identitaire (3) -, il n'aime visiblement pas établir de hiérarchies en se fondant sur l'appréciation critique de la valeur d'un texte, se différenciant en cela délibérément de l'approche de F.-M. Durazzo.
3) Dans les années 1970 Le Riacquistu, ce mouvement de réappropriation de la culture corse, se fit essentiellement à partir du théâtre, de la poésie et du chant. Et l'écriture poétique en langue corse y participait souvent d'une revendication identitaire
Son anthologie, bilingue bien sûr (4), s'adresse d'abord au public insulaire ainsi qu'aux «curieux». Et elle semble répondre, du moins au départ, au désir de faire une sorte d'état des lieux illustrant, confortant la vitalité de la fibre poétique du peuple corse et de la poésie de langue corse (5) en s'ouvrant largement à tout poète vivant (6) ayant au moins publié un ouvrage poétique, ce qui permet d'aborder des poètes reconnus comme d'autres moins connus. Un choix qu'on peut tout à fait comprendre.
4) En tant que poète d'expression corse Norbert Paganelli, son coordonnateur, s'est toujours attaché à faire traduire ses propres textes pour toucher un plus large public
5) "Dans un article de janvier 2000 sur la poésie corse, Fusina énumère plus de 70 noms de poètes écrivant en corse et si l'on rapporte ces chiffres au nombre de Corses en mesure de rédiger dans leur langue, qui n'excède vraisemblablement pas quelques milliers d'individus, on obtient un pourcentage d'écrivants en poésie de langue corse assez conséquent."
(cf l'article de Paul-Michel Filippi http://www.transcript-review.org/fr/issue/transcript-17--la-corse-/quatre-poetes-corses)
6) Une seule exception pour Marie-Paule Lavezzi malheureusement disparue après avoir donné son accord pour participer à cet ouvrage
Mais réalisant que son critère linguistique aboutissait à un très fort déséquilibre (pourtant prévisible (7) car représentatif de la création poétique corsophone dans son ensemble) entre "d'un côté, plus d'une vingtaine d'hommes, de l'autre, quelques femmes seulement", Norbert Paganelli décida finalement (8), en se rattachant alors à l'idée d'une "communauté de destin", de lui faire une entorse de taille.
Il introduisit ainsi de nombreux poètes féminins d'expression française (9) pour pouvoir afficher une parité poétique m'apparaissant un peu "hors sol", qui exclut de fait les poètes corses de langue française et ne reflète pour cette raison que très imparfaitement l'état de la création poétique corse de notre temps s'exprimant tant en corse qu'en français.
Un choix surprenant et à mon sens contestable qui ébranle toute l'architecture d'un ouvrage dont il fausse dès le départ le sens et minimise la portée. Alors qu'existait pourtant une alternative cohérente : soit conserver le critère du corse comme langue source, soit y renoncer car trop réducteur pour donner un réel aperçu de la poésie corse du XXIème siècle – que en effet, comme la littérature corse (10), on a pris maintenant l'habitude d'approcher de manière très large (Norbert Paganelli se rattachant aussi paradoxalement à cet argument dans sa préface pour justifier son exception !).
7) Ce qui n'est guère étonnant vu le précédent de l'anthologie poétique A Filetta
8) En accord avec le directeur de la collection Francesco Ferrara et l'éditeur
9) Norbert Paganelli en cite huit dans sa préface mais elles sont manifestement bien plus nombreuses, leur nombre exact étant pour moi difficile à déterminer (la présentation du livre restant assez obscure à ce sujet)
10) Cf le manifeste de Luri (2009) et les nombreuses discussions qui agitèrent le monde culturel corse dont rendit notamment compte le blog de François Renucci Pour une littérature (et autres arts) corse(s)
Calliope, muse de la poésie épique
Par ailleurs, si le principe d'une large anthologie a l'avantage d'intégrer des poètes peu connus (qui ne sont pas forcément pour autant dénués de talent), il ne peut justifier à mes yeux l'absence criante de poètes importants dont le talent est reconnu.
Outre qu'il semble difficile d'écarter des poètes majeurs comme par exemple Joël Bastard et son magnifique recueil Casaluna ou Jean François Agostini du simple fait qu'ils sont hommes, on ne comprend pas l'absence de poètes d'expression corse reconnus comme F.-M. Durazzo ou Stefanu Cesari. Sans compter qu'il aurait été intéressant d'y voir figurer Marcu Biancarelli qui semblait en 2005 annoncer un tournant car il n'hésitait pas à "bousculer la langue au grand dam des puristes"...
Certes on rêve toujours d'une anthologie idéale impossible, ou du moins difficile à réaliser, et ces importants manques sont sans doute en partie aussi dus au refus de certains poètes d'y figurer (11).
Il reste que le lecteur n'y trouve pas totalement son compte et que la quatrième de couverture promotionnelle de l'éditeur titrant "Un panorama complet de la poésie corse actuelle" comme sa présentation du corpus sur son site (12) s'avèrent trompeuses.
Sans compter que la table des matières listant les poètes uniquement sous leurs prénoms corses et ne donnant que le titre corse de leurs poèmes entretient encore la confusion.
11) Norbert Paganelli a ainsi contacté trois fois Stefanu Cesari - dont il fut un des premiers ardents soutiens bien avant qu'il soit reconnu - sans obtenir de réponse, et il ne pouvait l'intégrer de force à son Florilège !
12) "Le corpus regroupe les auteurs s'exprimant en langue corse mais aussi ceux qui utilisent le français comme véhicule linguistique."
Terpsishore, muse de la poésie lyrique et de la danse (Raphaël)
Il y avait aussi peut-être chez Norbert Paganelli le désir d'apprécier l'évolution de la poésie corse depuis son essor consécutif à ce mouvement de réappropriation d'une culture traditionnelle que fut le Riacquistu. Il s'est ainsi livré à un intéressant travail d'analyse de l'important matériau poétique recueilli, tant sur le plan de la forme poétique que des thématiques, lui permettant de classer les poètes en grands pôles étonnamment équilibrés sur un axe allant de la tradition à la modernité et d'éclairer ainsi la grande variété de la poésie corse. Un travail qui constitue un point fort de cette anthologie.
Aux douze "traditionnalistes classiques" partageant forme poétique et thématiques traditionnelles (13) s'opposent ainsi treize "novateurs intégraux" renouvelant tant les formes que les thématiques (14). Et tandis que les quinze "novateurs mesurés" privilégient une forme actuelle tout en restant imprégnés de thèmes traditionnels, les douze "traditionnalistes modernes" à l'inverse restent attachés à un classicisme formel tout en ayant rompu avec les thématiques traditionnelles. Et au sein de ces quatre grands groupes se distinguent de plus deux ensembles selon que la caractéristique formelle ou thématique est plus accentuée.
Un classement résumé dans un schéma signifiant, du moins pour les quatre grands groupes, leur fractionnement en deux ensembles étant plus difficilement lisible.
13) Vers réguliers, rimes, tradition poétique antérieure au XXème... / Thématiques agro-pastorales incluant une forte présence des éléments minéraux, végétaux et animaux, célébration du temps jadis...)
14) Vers libres, suppression de la ponctuation, écriture parfois syncopée... / Renouvellement des thématiques
On découvre ainsi une poésie contemporaine corse encore très fortement traditionnelle notamment sur le plan des formes - car les novateurs, mesurés comme intégraux, ne montrent guère à mon sens beaucoup d'audace. Et dans l'ensemble on est frappé par la teneur très narrative et beaucoup plus descriptive que vraiment évocatrice d'une poésie parfois un peu bavarde qui recourt rarement au choc et à la concision des images. Une appréciation forcément faussée par les absences que j'ai évoquées précédemment.
Les neuf muses (sarcophage grec)
L'ouvrage a de plus le mérite de citer amplement chaque poète, lui accordant le plus souvent 3 à 5 doubles pages (rarement 2 ou 6) précédées d'une biographie et d'une bibliographie conséquentes (on regrettera néanmoins que beaucoup de poètes n'aient pas communiqué en toute simplicité leur date de naissance - coquetterie d'ailleurs bien inutile !). Et, autre point fort de ce florilège, Norbert Paganelli a donné la parole à chacun d'entre eux afin qu'il expose sa conception de la poésie et les raisons qui le poussent à écrire. Le tout nous permettant de mieux cerner qui écrit encore de la poésie de nos jours et pourquoi.
Tous les poèmes ont été traduits du corse au français ou du français au corse mais l'auteur de la traduction n'est malheureusement pas toujours précisé (on aimerait notamment savoir pour chaque poème s'il s'agit du poète lui-même ou d'un traducteur), et ces poèmes sont trop rarement "sourcés" et/ou datés, ce qui nous empêche de saisir précisément les tendances évolutives de la poésie corse.
Par ailleurs, quelle que soit la langue source, tous ces textes sont d'abord présentés en français sur la page de gauche puis en corse sur la page leur faisant face. Ceux qui lisent le corse et aiment découvrir les poètes corsophones dans leur langue ne verront pas ainsi leur lecture facilitée, et il ne sera pas non plus évident pour un lecteur non initié de savoir d'emblée quelles femmes poètes écrivent en corse.
Malgré toutes ses imperfections que je ne saurais taire, Musa d'un populu, Florilège de la poésie corse contemporaine enrichit notre approche de la poésie corse de notre temps et on y fait de belles découvertes. Je ne décernerai pas de médailles ni n'établirai de hiérarchies entre les poètes, ce qui serait contraire à la philosophie de l'ouvrage, mais je citerai cependant quelques belles pages. (Un choix personnel qui ne s'est attaché qu'aux textes, même s'il respecte étonnamment la parité !)
Musa d'un populu, Florilège de la poésie corse contemporaine, coordination : Norbert Paganelli, Editions Le bord de l'eau, juillet 2017, 584 pages
https://fr.wikipedia.org/wiki/Norbert_Paganelli
Poètes traditionnalistes classiques
Ceccè LAFRANCHI (1965- )
p.240/243
Alì
Aghju l'anima nera
È lu punghju chì sà
Facciu à me manera
È mingu per campà
Cambiu casata è nomu
Ghjustu par ramintà
Ch' e' voddu campà omu
È schjavu ùn voddu stà
Saltu volu pizzicu
Mingu par fà cascà
U meiu u numicu
U devu supranà
Chì lu me punghju mughja
È la so rabbia dà
À issa peddi più bughja
Issa poca dignità
Africa Tarra Nera
D'un vechju arradicà
Mingu à me manera
Ghjustu par vindicà
I toi li fiddoli
Oghji nati culà
Capighjimbi eppo' soli
Privi di libertà
In sta tarra chì credi
Schjarì l'umanità
Muchendu li la peddi
Troppu nera sarà ?
Aghju l'anima nera
A voddu fà sapè
L'avvena m'addispera
È mingu à più pudè
Ci ni volsi curaghju
Par campà neru quì
Ci ni volsi curaghju
Ma oghji sò ALÌ
L'anima nera l'aghju
È voddu campà quì
L'anima nera l'aghju
Oghji mi chjamu Alì !
Ali
J'ai l'âme couleur nuit
La force de mes poings
Seule me donne vie
Et force le destin
J'oublie mon nom d'esclave
Pour que l'on sache ici
Je suis un homme, un brave
Sans chaînes moi je vis
Je pique vole saute
Et mon poing fait tomber
Un ennemi. Un autre
Vient, que je dois mater
Jamais mon poing ne sombre
Sa rage est liberté
Et pour ma peau si sombre
Gage de dignité
Afrique Noire Terre
Des racines d'antan
Je frappe. A ma manière
Je te venge souvent
Tant de tes enfants naissent
Désormais loin de toi
Sans liberté, qu'on laisse
Tête basse, aux abois
En cette terre sûre
-bien trop ! - de son bon droit
Où la peau se fait dure
Plus sombre qu'autrefois
J'ai l'âme couleur nuit
Qu'on le sache ici-bas
L'avenir, s'il me fuit
Mon poing le domptera
Il fallut du courage
Pour vivre noir ici
Il fallut du courage
Alors, je fus ALI
L'âme noire de rage
Moi je veux vivre ici
L'âme noire est courage
Et moi, je suis ALI
Poètes traditionnalistes modernes
Eliane AUBERT-COLOMBANI ( 1934- )
p.38/39
Amnésie
Le traîneau a viré
dans la stupeur hurlante des chiens
Angle mort :
Les feux de l'esprit ne t'attendront pas.
Ainsi n'ai-je pas prié en vain,
ainsi ne me suis-je pas saigné
jusqu'aux risques de damnation,
sur l'autel douloureux de la Lapone
où tricotent des tibias d'élan.
Angle mort !
Tu n'as rien vu,
silence blanc de ta mémoire,
je t'ai tout donné.
Amnesia
U trascinu hà trincatu
in u stupore urlanti di i cani
Angulu mortu :
I fochi di u spiritu ùn t'aspettarani micca.
Cusi ùn avaraghju micca pregatu in darru,
cusi ùn mi saraghju micca pulzata
sin'à u risicu di a dannazione,
nant'à l'altare dubitosu di a Lapona
duve tricuteghjani sghinchi d'alce.
Angulu mortu !
Ùn ai vistu nudda,
biancu silenziu di a to memoria,
tuttu t'aghju datu.
Poètes novateurs mesurés
Cathy BORIE (?- )
p.76/77
Abandon
Ce qui fait que l'on crie au-dedans
Ce qui perce le coeur comme un crochet cruel
Ce qui laisse infiniment seul
Nu et tremblant
Dans un infini noir et glacé
Des ténèbres muettes où aucun écho ne résonne
Aucun regard ne se pose
Aucune autre chair pour se frotter
Rien que soi-même
Ricochant et ricochant toujours
Sur l'eau stagnante des miroirs
Pas de main pas de visage
Pas de paroles qui se meuvent
Du blanc et du silence
Pas d'amour
Rien qu'une chute vertigineuse
Dans l'absence ouatée.
Abandonnu
Ciò chì faci briunà drentu
Ciò chì tafona u cori com'è un croccu crudeli
Ciò chì laca solu à l'infinitu
Nudu è trimulendu
In un infinitu neruè ghjacciatu
Di sti bughjuri muti induva nissunu ribombu ricucca
Nussunu sguardu si pona
Nissuna altra pella à alliscià
Nienti chè sè stessu
Ribattendu è ribattendu sempri
Nant'à l'acqua appozzata di i spechji
Micca mani micca visu
Micca parolli chì si movani
Biancu è silenziu
Micca amori
Nienti chè una capulata atturniulata
In l'assenza imbuttita.
Xavier VALENTINI ( ? - )
p.510/511
Straccioni frusteri
Neva à più pudè
in i cimi i più alti di l'essa d'ind'è no'
È mi sentu affucà
Ma a nevi ridoppia
Di straccioni fristeri
È ghjaccia a me parsona
Di u polzu di a morti
Di u me populu
Caru
Si ni scegli a scarpata
In u nivonu pagnu
Chì sbianca u me paesi
È in i piani maiori
U vulè campà nostru
Pari tacca di sangui
Aliénation
Il neige sans discontinuer
Sur les cimes les plus hautes de notre besoin d'existence
Et je me sens étouffer
Mais la neige redouble
De flocons d'ailleurs
Et glace mon corps
De pulsations mortelles
Des miens
De ceux que j'aime
Il n'en reste que trace
Dans cette épaisse neige
Qui blanchit mon être
Et dans les immenses plaines
Notre vouloir vivre
Ressemble à une tache de sang
Poètes novateurs intégraux
Marie-Ange SEBASTI ( ? _ )
p. 438/440
Terre d'encre et de papier
dans l'enclos du poème
et pourtant rose chair
Terre d'azur d'émeraude
en pleine page
et pourtant noir profond
Terre pastel sur la marge
ténue entre les lignes
touchée du doigt pourtant
Terre désincarnée
dans l'enclos du poème
et pourtant dans mes bras
In Cette parcelle inépuisable
Jacques André éditeur, 2013
Tarra d'inchjostru è di carta
in u chjosu di u poema
eppuri culori di carri
Tarra d'azuru è di smiraldu
in piena pagina
eppuri di neru spessu
Tarra di pastellu in i margini
debuli trà in fila
tuccata eppuri cù u ditu
Tarra irreali
in u chjosu di u poema
eppuri strinta in li me braccia
Jacques THIERS ( 1945 - )
p. 484/485
Ape
Eranu triste l'ombre
è po simu venute
vestute di bisbigliu
era un arcu di chjirli
stupiti di curolle
i petali sò cari
in tempi di scarcia
chì l'ape simu noi
d'estru stuzzicaghjolu
anu modu à spazzà
cù e so code vaccine
olè tureadori
ne passemu è venimu
è cappiate a lotta
smunte di giracapu
Abeilles
Les ombres étaient bien mornes
quand nous sommes arrivées
bruissantes de criailleries
ce fut un arc-en-ciel
ébahi de corolles
un trésor de pétales
en ces temps de misère
d'humeur querelleuse
nous sommes ces abeilles
qu'ont beau chasser
les queues des vaches
olé toréadors
nous passons, repassons
allez donc rendre les armes
étourdies jusqu'à l'épuisement
Traduction de Francescu-Micheli Durazzo