"Musa d'un populu, Florilège de la poésie corse contemporaine" de Norbert Paganelli

Publié le par Emmanuelle Caminade

 

 

 

 

 

 

 

Sous le titre Musa d'un populu nous rappelant combien la poésie est ancrée dans la tradition populaire corse (1), Norbert Paganelli, poète lui-même, nous offre un impressionnant Florilège de la poésie corse  contemporaine de presque six cents pages regroupant (dans l'ordre alphabétique) pas moins de cinquante-deux poètes de notre époque ! Une anthologie poétique bienvenue car il en existe peu de récentes et aucune de cette ampleur.

1) Une tradition de la poésie chantée faisant notamment du texte le support du chant

 

 

On ne pouvait recenser en effet depuis le début du XXIème siècle que, semble-t-il, trois anthologies poétiques corses - qui pour deux d'entre elles n'eurent qu'une faible diffusion. 

La plus connue A Filetta, la Fougère, onze poètes corses contemporains  (PHI, 2005), ouvrage bilingue coordonné par Francescu-Micheli Durazzo qui s'ouvrait sur Ghjacumu Biancarelli (1936-1999) et s'achevait sur son neveu Marcu (1968- ), avait pour ambition de présenter chronologiquement par date de naissance de leurs auteurs "les meilleures pages de la poésie corse des dernières décennies", ajoutant ainsi au critère linguistique du corse comme langue source un critère qualitatif supposant une évaluation critique. Une anthologie dans laquelle les écritures féminines s'avéraient  rares (2 sur 11).

 

Plus confidentiellement et dans une conception plus ouverte (2), la revue poétique NU(e) présenta en 2010 dans son numéro 44 un volume de plus de deux cents pages qui réunissait treize poètes contemporains originaires de Corse et d'expression corse ou française (ainsi que deux plasticiens), également dans une version bilingue. Une ouverture qui fit entrer un peu plus de femmes poètes, celles-ci restant toujours minoritaires (4 sur 13).

2) Considérant que les auteurs corses dont l'imaginaire est lié "à la tradition poétique orale en langue corse" disposent "qu’ils soient réellement ou virtuellement bilingues" de "deux codes possibles" pour s'exprimer dans leur oeuvre écrite  http://www.revue-nue.org/spip.php?article139)

 

Quant à la dernière en date, Une fenêtre sur la mer/ une anthologie de la poésie corse actuelle, elle fut publiée en décembre 2014 chez Recours au poème éditeur, un jeune éditeur poétique numérique à la trajectoire malheureusement éphémère (auquel nous devons de bien belles réussites et dont ne subsiste plus que la revue numérique Recours au poème.)

Angèle Paoli, désireuse de faire exister les poètes corses au-delà des frontières, et dans "une expérience collective fondée sur l'amitié et l'amour de leur île et de leur langue" y mettait en avant vingt poètes nés ou originaire de l'île – dont elle-même -, onze hommes et neuf femmes s'exprimant pour moitié en corse (7 hommes et 3 femmes) et pour l'autre en français (6 femmes et 4 hommes). Une anthologie plus équilibrée toujours présentée en version bilingue corse/français ou français/corse.

 

A ces trois anthologies, on ajoutera également Terres de femmes / Terre di donne, 12 poètes corses paru aux éditions des Lisières, en juillet 2017 comme Musa d'un populu, ouvrage dans lequel Angèle Paoli nous fait entendre la voix de poètes "au féminin", d'expression corse ou française et toujours dans une version bilingue.

 

 

Si Norbert Paganelli, comme il nous l'expose dans sa préface, avait pour projet de s'en tenir au corse comme langue source - une langue qui semble plus pour lui l'expression d'un lien charnel avec l'île qu'un marqueur identitaire (3) -, il n'aime visiblement pas établir de hiérarchies en se fondant sur l'appréciation critique de la valeur d'un texte, se différenciant en cela délibérément de l'approche de F.-M. Durazzo.

3) Dans les années 1970 Le Riacquistu, ce mouvement de réappropriation de la culture corse, se fit essentiellement à partir du théâtre, de la poésie et du chant. Et l'écriture poétique en langue corse y participait souvent d'une revendication identitaire

Son anthologie, bilingue bien sûr (4), s'adresse d'abord au public insulaire ainsi qu'aux «curieux». Et elle semble répondre, du moins au départ, au désir de  faire une sorte d'état des lieux illustrant, confortant la vitalité de la fibre poétique du peuple corse et de la poésie de langue corse (5) en s'ouvrant largement à tout poète vivant (6) ayant au moins publié un ouvrage poétique, ce qui permet d'aborder des poètes reconnus comme d'autres moins connus. Un choix qu'on peut tout à fait comprendre.

4) En tant que poète d'expression corse Norbert Paganelli, son coordonnateur, s'est toujours attaché à faire traduire ses propres textes pour toucher un plus large public

5) "Dans un article de janvier 2000 sur la poésie corse, Fusina énumère plus de 70 noms de poètes écrivant en corse et si l'on rapporte ces chiffres au nombre de Corses en mesure de rédiger dans leur langue, qui n'excède vraisemblablement pas quelques milliers d'individus, on obtient un pourcentage d'écrivants en poésie de langue corse assez conséquent."

(cf l'article de Paul-Michel Filippi http://www.transcript-review.org/fr/issue/transcript-17--la-corse-/quatre-poetes-corses)

6) Une seule exception pour Marie-Paule Lavezzi malheureusement disparue après avoir donné son accord pour participer à cet ouvrage

 

Mais réalisant que son critère linguistique aboutissait à un très fort déséquilibre (pourtant prévisible (7) car représentatif de la création poétique corsophone dans son ensemble) entre "d'un côté, plus d'une vingtaine d'hommes, de l'autre, quelques femmes seulement", Norbert Paganelli décida finalement (8), en se rattachant alors à l'idée d'une "communauté de destin", de lui faire une entorse de taille.

Il introduisit ainsi de nombreux poètes féminins d'expression française (9) pour pouvoir afficher une parité poétique m'apparaissant un peu "hors sol", qui exclut de fait les poètes corses de langue française et ne reflète pour cette raison que très imparfaitement l'état de la création poétique corse de notre temps s'exprimant tant en corse qu'en français.

Un choix surprenant et à mon sens contestable qui ébranle toute l'architecture d'un ouvrage dont il fausse dès le départ le sens et minimise la portée. Alors qu'existait pourtant une alternative cohérente : soit conserver le critère du corse comme langue source, soit y renoncer car trop réducteur pour donner un réel aperçu de la poésie corse du XXIème siècle – que en effet, comme la littérature corse (10), on a pris maintenant l'habitude d'approcher de manière très large (Norbert Paganelli se rattachant aussi paradoxalement à cet argument dans sa préface pour justifier son exception !).

7) Ce qui n'est guère étonnant vu le précédent de l'anthologie poétique A Filetta

8) En accord avec le directeur de la collection Francesco Ferrara et l'éditeur

9) Norbert Paganelli en cite huit dans sa préface mais elles sont manifestement bien plus nombreuses, leur nombre exact étant pour moi difficile à déterminer (la présentation du livre restant assez obscure à ce sujet)

10) Cf le manifeste de Luri (2009) et les nombreuses discussions qui agitèrent le monde culturel corse dont rendit notamment compte le blog de François Renucci Pour une littérature (et autres arts) corse(s)

 

Calliope, muse de la poésie épique

    Par ailleurs, si le principe d'une large anthologie a l'avantage d'intégrer des poètes peu connus (qui ne sont pas forcément pour autant dénués de talent), il ne peut justifier à mes yeux l'absence criante de poètes importants dont le talent est reconnu.

    Outre qu'il semble difficile d'écarter des poètes majeurs comme par exemple Joël Bastard et son magnifique recueil Casaluna ou Jean François Agostini du simple fait qu'ils sont hommes, on ne comprend pas l'absence de poètes d'expression corse reconnus comme F.-M. Durazzo ou Stefanu Cesari. Sans compter qu'il aurait été intéressant d'y voir figurer Marcu Biancarelli qui semblait en 2005 annoncer un tournant car il n'hésitait pas à "bousculer la langue au grand dam des puristes"...

     

    Certes on rêve toujours d'une anthologie idéale impossible, ou du moins difficile à réaliser,  et ces importants manques sont sans doute en partie aussi dus au refus de certains poètes d'y figurer (11).

    Il reste que le lecteur n'y trouve pas totalement son compte et que la quatrième de couverture promotionnelle de l'éditeur titrant "Un panorama complet de la poésie corse actuelle" comme sa présentation du corpus sur son site (12) s'avèrent trompeuses.

    Sans compter que la table des matières listant les poètes uniquement sous leurs prénoms corses et ne donnant que le titre corse de leurs poèmes entretient encore la confusion.

    11) Norbert Paganelli a  ainsi contacté trois fois Stefanu Cesari - dont il fut un des premiers ardents soutiens bien avant qu'il soit reconnu - sans obtenir de réponse, et il ne pouvait l'intégrer de force à son Florilège !

    12) "Le corpus regroupe les auteurs s'exprimant en langue corse mais aussi ceux qui utilisent le français comme véhicule linguistique."

     

    Terpsishore, muse de la poésie lyrique et de la danse (Raphaël)

     

    Il y avait aussi peut-être chez Norbert Paganelli le désir d'apprécier l'évolution de la poésie corse depuis son essor consécutif à ce mouvement de réappropriation d'une culture traditionnelle que fut le Riacquistu. Il s'est ainsi livré à un intéressant travail d'analyse de l'important matériau poétique recueilli, tant sur le plan de la forme poétique que des thématiques, lui permettant de classer les poètes en grands pôles étonnamment équilibrés sur un axe allant de la tradition à la modernité  et d'éclairer ainsi la grande variété de la poésie corse. Un travail qui constitue un point fort de cette anthologie.

    Aux douze "traditionnalistes classiques" partageant forme poétique et thématiques traditionnelles (13) s'opposent ainsi treize "novateurs intégraux" renouvelant tant les formes que les thématiques (14). Et tandis que les quinze "novateurs mesurés" privilégient une forme actuelle tout en restant imprégnés de thèmes traditionnels, les douze "traditionnalistes modernes" à l'inverse restent attachés à un classicisme formel tout en ayant rompu avec les thématiques traditionnelles. Et au sein de ces quatre grands groupes se distinguent de plus deux ensembles selon que la caractéristique formelle ou thématique est plus accentuée.

    Un classement résumé dans un schéma signifiant, du moins pour les quatre grands groupes, leur fractionnement en deux ensembles étant plus difficilement lisible.

    13) Vers réguliers, rimes, tradition poétique antérieure au XXème... / Thématiques agro-pastorales incluant une forte présence des éléments minéraux, végétaux et animaux, célébration du temps jadis...)

    14) Vers libres, suppression de la ponctuation, écriture parfois syncopée... / Renouvellement des thématiques

    On découvre ainsi une poésie contemporaine corse encore très fortement traditionnelle notamment sur le plan des formes - car les novateurs, mesurés comme intégraux, ne montrent guère à mon sens beaucoup d'audace. Et dans l'ensemble on est frappé par la teneur très narrative et beaucoup plus descriptive que vraiment évocatrice d'une poésie parfois un peu bavarde qui recourt rarement au choc et à la concision des images. Une appréciation forcément faussée par les absences que j'ai évoquées précédemment.

     

    Les neuf muses (sarcophage grec)

     

    L'ouvrage a de plus le mérite de citer amplement chaque poète, lui accordant le plus souvent 3 à 5 doubles pages (rarement 2 ou 6) précédées d'une biographie et d'une bibliographie conséquentes (on regrettera néanmoins que beaucoup de poètes n'aient pas communiqué en toute simplicité leur date de naissance - coquetterie d'ailleurs bien inutile !). Et, autre point fort de ce florilège, Norbert Paganelli a donné la parole à chacun d'entre eux afin qu'il expose sa conception de la poésie et les raisons qui le poussent à écrire. Le tout nous permettant de mieux cerner qui écrit encore de la poésie de nos jours et pourquoi.

    Tous les poèmes ont été traduits du corse au français ou du français au corse mais l'auteur de la traduction n'est malheureusement pas toujours précisé (on aimerait notamment savoir pour chaque poème s'il s'agit du poète lui-même ou d'un traducteur), et ces poèmes sont trop rarement "sourcés" et/ou datés, ce qui nous empêche de saisir précisément les tendances évolutives de la poésie corse.

    Par ailleurs, quelle que soit la langue source, tous ces textes sont d'abord présentés en français sur la page de gauche puis en corse sur la page leur faisant face. Ceux qui lisent le corse et aiment découvrir les poètes corsophones dans leur langue ne verront pas ainsi leur lecture facilitée, et il ne sera pas non plus évident pour un lecteur non initié de savoir d'emblée quelles femmes poètes écrivent en corse.

     

    Malgré toutes ses imperfections que je ne saurais taire, Musa d'un populu, Florilège de la poésie corse contemporaine  enrichit notre approche de la poésie corse de notre temps et on y fait de belles découvertes. Je ne décernerai pas de médailles ni n'établirai de hiérarchies entre les poètes, ce qui serait contraire à la philosophie de l'ouvrage, mais je citerai cependant quelques belles pages. (Un choix personnel qui ne s'est attaché qu'aux textes, même s'il respecte étonnamment la parité !)

     

     

     

     

     

     

    Musa d'un populu, Florilège de la poésie corse contemporaine, coordination :  Norbert Paganelli, Editions Le bord de l'eau, juillet 2017, 584 pages

    A propos du coordonnateur :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Norbert_Paganelli

     

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    EXTRAITS :

     

    Poètes traditionnalistes classiques

     

    Ceccè LAFRANCHI (1965- )

    p.240/243
     

    Alì

     

    Aghju l'anima nera

    È lu punghju chì sà

    Facciu à me manera

    È mingu per campà

     

    Cambiu casata è nomu

    Ghjustu par ramintà

    Ch' e' voddu campà omu

    È schjavu ùn voddu stà

     

    Saltu volu pizzicu

    Mingu par fà cascà

    U meiu u numicu

    U devu supranà

     

    Chì lu me punghju mughja

    È la so rabbia dà

    À issa peddi più bughja

    Issa poca dignità

     

    Africa Tarra Nera

    D'un vechju arradicà

    Mingu à me manera

    Ghjustu par vindicà

     

    I toi li fiddoli

    Oghji nati culà

    Capighjimbi eppo' soli

    Privi di libertà

     

    In sta tarra chì credi

    Schjarì l'umanità

    Muchendu li la peddi

    Troppu nera sarà ?

     

    Aghju l'anima nera

    A voddu fà sapè

    L'avvena m'addispera

    È mingu à più pudè

     

    Ci ni volsi curaghju

    Par campà neru quì

    Ci ni volsi curaghju

    Ma oghji sò ALÌ

     

    L'anima nera l'aghju

    È voddu campà quì

    L'anima nera l'aghju

    Oghji mi chjamu Alì !

     

    Ali

     

    J'ai l'âme couleur nuit

    La force de mes poings

    Seule me donne vie

    Et force le destin

     

    J'oublie mon nom d'esclave

    Pour que l'on sache ici

    Je suis un homme, un brave

    Sans chaînes moi je vis

     

    Je pique vole saute

    Et mon poing fait tomber

    Un ennemi. Un autre

    Vient, que je dois mater

     

    Jamais mon poing ne sombre

    Sa rage est liberté

    Et pour ma peau si sombre

    Gage de dignité

     

    Afrique Noire Terre

    Des racines d'antan

    Je frappe. A ma manière

    Je te venge souvent

     

    Tant de tes enfants naissent

    Désormais loin de toi

    Sans liberté, qu'on laisse

    Tête basse, aux abois

     

    En cette terre sûre

    -bien trop ! - de son bon droit

    Où la peau se fait dure

    Plus sombre qu'autrefois

     

    J'ai l'âme couleur nuit

    Qu'on le sache ici-bas

    L'avenir, s'il me fuit

    Mon poing le domptera

     

    Il fallut du courage

    Pour vivre noir ici

    Il fallut du courage

    Alors, je fus ALI

     

    L'âme noire de rage

    Moi je veux vivre ici

    L'âme noire est courage

    Et moi, je suis ALI

     

    Poètes traditionnalistes modernes

     

    Eliane AUBERT-COLOMBANI ( 1934- )

    p.38/39

     

    Amnésie

     

    Le traîneau a viré

    dans la stupeur hurlante des chiens

    Angle mort :

    Les feux de l'esprit ne t'attendront pas.
    Ainsi n'ai-je pas prié en vain,

    ainsi ne me suis-je pas saigné

    jusqu'aux risques de damnation,

    sur l'autel douloureux de la Lapone

    où tricotent des tibias d'élan.
    Angle mort !

    Tu n'as rien vu,

    silence blanc de ta mémoire,

    je t'ai tout donné.

     

    Amnesia

     

    U trascinu hà trincatu

    in u stupore urlanti di i cani

    Angulu mortu :

    I fochi di u spiritu ùn t'aspettarani micca.

    Cusi ùn avaraghju micca pregatu in darru,

    cusi ùn mi saraghju micca pulzata

    sin'à u risicu di a dannazione,

    nant'à l'altare dubitosu di a Lapona

    duve tricuteghjani sghinchi d'alce.
    Angulu mortu !

    Ùn ai vistu nudda,

    biancu silenziu di a to memoria,

    tuttu t'aghju datu.

     

    Poètes novateurs mesurés

     

    Cathy BORIE (?- )

    p.76/77

     

    Abandon

     

    Ce qui fait que l'on crie au-dedans

    Ce qui perce le coeur comme un crochet cruel

    Ce qui laisse infiniment seul

    Nu et tremblant

    Dans un infini noir et glacé

    Des ténèbres muettes où aucun écho ne résonne

    Aucun regard ne se pose

    Aucune autre chair pour se frotter

    Rien que soi-même

    Ricochant et ricochant toujours

    Sur l'eau stagnante des miroirs

    Pas de main pas de visage

    Pas de paroles qui se meuvent

    Du blanc et du silence

    Pas d'amour

    Rien qu'une chute vertigineuse

    Dans l'absence ouatée.

     

    Abandonnu

     

    Ciò chì faci briunà drentu

    Ciò chì tafona u cori com'è un croccu crudeli

    Ciò chì laca solu à l'infinitu

    Nudu è trimulendu

    In un infinitu neruè ghjacciatu

    Di sti bughjuri muti induva nissunu ribombu ricucca

    Nussunu sguardu si pona

    Nissuna altra pella à alliscià

    Nienti chè sè stessu

    Ribattendu è ribattendu sempri

    Nant'à l'acqua appozzata di i spechji

    Micca mani micca visu

    Micca parolli chì si movani

    Biancu è silenziu

    Micca amori

    Nienti chè una capulata atturniulata

    In l'assenza imbuttita.

     

    Xavier VALENTINI ( ? - )

    p.510/511

     

    Straccioni frusteri

     

    Neva à più pudè

    in i cimi i più alti di l'essa d'ind'è no'

    È mi sentu affucà

     

    Ma a nevi ridoppia

    Di straccioni fristeri

    È ghjaccia a me parsona

    Di u polzu di a morti

     

    Di u me populu

    Caru

    Si ni scegli a scarpata

    In u nivonu pagnu

    Chì sbianca u me paesi

     

    È in i piani maiori

    U vulè campà nostru

    Pari tacca di sangui

     

    Aliénation

     

    Il neige sans discontinuer

    Sur les cimes les plus hautes de notre besoin d'existence

    Et je me sens étouffer

     

    Mais la neige redouble

    De flocons d'ailleurs

    Et glace mon corps

    De pulsations mortelles

     

    Des miens

    De ceux que j'aime

    Il n'en reste que trace

    Dans cette épaisse neige

    Qui blanchit mon être

     

    Et dans les immenses plaines

    Notre vouloir vivre

    Ressemble à une tache de sang

     

    Poètes novateurs intégraux

     

    Marie-Ange SEBASTI ( ? _ )

    p. 438/440

     

    Terre d'encre et de papier

    dans l'enclos du poème

     

    et pourtant rose chair

     

    Terre d'azur d'émeraude

    en pleine page

     

    et pourtant noir profond

     

    Terre pastel sur la marge

    ténue entre les lignes

     

    touchée du doigt pourtant

     

    Terre désincarnée

    dans l'enclos du poème

     

    et pourtant dans mes bras

     

                                               In Cette parcelle inépuisable

                                               Jacques André éditeur, 2013

     

     

    Tarra d'inchjostru è di carta

    in u chjosu di u poema

     

    eppuri culori di carri

     

    Tarra d'azuru è di smiraldu

    in piena pagina

     

    eppuri di neru spessu

     

    Tarra di pastellu in i margini

    debuli trà in fila

     

    tuccata eppuri cù u ditu

     

    Tarra irreali

    in u chjosu di u poema

     

    eppuri strinta in li me braccia

     

    Jacques THIERS ( 1945 - )

    p. 484/485

     

    Ape

     

    Eranu triste l'ombre

    è po simu venute

    vestute di bisbigliu

    era un arcu di chjirli

    stupiti di curolle

    i petali sò cari

    in tempi di scarcia

     

    chì l'ape simu noi

    d'estru stuzzicaghjolu

    anu modu à spazzà

    cù e so code vaccine

    olè tureadori

    ne passemu è venimu

    è cappiate a lotta

     

    smunte di giracapu

     

    Abeilles

     

    Les ombres étaient bien mornes

    quand nous sommes arrivées

    bruissantes de criailleries

    ce fut un arc-en-ciel

    ébahi de corolles

    un trésor de pétales

    en ces temps de misère

     

    d'humeur querelleuse

    nous sommes ces abeilles

    qu'ont beau chasser

    les queues des vaches

    olé toréadors

    nous passons, repassons

    allez donc rendre les armes

     

    étourdies jusqu'à l'épuisement

     

                                                  Traduction de Francescu-Micheli Durazzo

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    E
    Merci à Norbert Paganelli pour ces éclaircissements. <br /> J'étais sûre que cet auteur dont j'apprécie souvent le travail de poète, mais aussi de guide et de "couturier" (cf son magnifique ouvrage "Paroles & couleurs" autour des peintures de Nicolas Cotton) comprendrait qu'il n'entrait aucune malveillance à son encontre dans mes critiques de son anthologie.<br /> Dommage qu'il n'ait pas précisé dans sa préface que le principe de départ était celui de réunir des textes originaux inédits, ce qui offre un atout supplémentaire à ce Florilège que l'éditeur aurait pu mettre en avant dans sa quatrième de couverture ! <br /> Les rares exceptions au projet initial (le cas de M.-A. Sebasti dont les poèmes sont issus de trois recueils datant de 2007, 2011 et 2013) ne permettent pas au lecteur de le deviner. D'autant plus que les quelques textes datés le font remonter parfois jusqu'en 1987 (pour Doris Natali), l'incitant à penser qu'ils ont déjà été publiés...
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    N
    Je souhaite remercier Emmanuelle Caminade d’avoir jeté ce regard attentif et aiguisé sur cet ouvrage. C’est toujours avec plaisir et intérêt que je lis et tente de tenir compte de ses avis car je sais qu’ils ne sont motivés que par son intime conviction. Cela est assez rare de nos jours et doit être salué.<br /> Je voudrais, non pas me défendre puisque je ne me sens aucunement attaqué, mais simplement apporter quelques éclairages.<br /> Le choix d’accepter des poètes féminins dont la langue source n’est pas le corse résulte simplement d’un aspect quantitatif comme cela a été souligné (pas assez de femmes écrivant directement en corse). Je veux bien admettre que deux critères coexistent donc dans le choix des auteurs mais je ne vois là aucune incohérence de principe dès lors que ceci est précisé et explicité. D’ailleurs, comment faire autrement ? S’en tenir au premier critère et alors être en présence d’un déséquilibre flagrant ? S’affranchir de la règle annoncée pour les hommes également et voir la volumétrie de l’ouvrage grandir démesurément ? Choisir en toute liberté selon mon goût afin de rester dans le nombre de pages imposé ? Réflexion faite c’est ce que j’aurais dû faire…Mais encore faut-il que les auteurs soient d’accord…Il semblerait que certaines anthologies fassent fi de la volonté des auteurs et intègrent, sans leur accord, les auteurs. Je me refuse à pratiquer de la sorte et, de toute manière, un court extrait explicitant la « poétique » de l’auteur ne peut être écrit que par lui.<br /> Pour ce qui est des traductions ainsi que des dates, toute liberté a été laissée aux contributeurs. Certains (plutôt certaines…) ont souhaité, malgré nos recommandations, demeurer évasifs sur la question de l’âge. Il en a été de même de la mention des traducteurs. <br /> Je retiens le conseil relatif à la situation du texte au sein de l’œuvre par une date et une mention bibliographique. Mais là aussi, le projet initial avait posé le principe de textes originaux n’ayant pas encore été publiés. Il se trouve qu’entre le début du recensement et sa clôture, certains textes ont été publiés…<br /> Il est exact que la constitution d’une anthologie ou d’un florilège pose un certain nombre de questions à son auteur. Ce dernier tente de concilier divers paramètres en altérant le moins possible les principes de départ…il n’y arrive presque jamais et c’est toujours une sorte de côte mal taillée qui finit par sortir des presses.<br /> Les poètes ne sont pas obligatoirement de bons couturiers.
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