DES VIES, 62 enfants de harkis racontent, de Fatima Besnaci-Lancou

Publié le par Emmanuelle Caminade

 

 

 



DES-VIES--62-enfants-de-harkis-racontent.jpg

 

Fatima Besnaci-Lancoupoursuit son travail de mémoire sur les harkis en restituant la complexité d'une histoire trop souvent méconnue et simplifiée.

Après Fille de harkisqui éclairait le contexte réel et les motivations variées de l'engagement de ces hommes au côté de l'armée française, elle avait recueilli dans Nos mères, paroles de femmes, les témoignages de celles qui avaient suivi leur mari, arrachées brutalement à leur terre natale pour y être le plus souvent parquées dans des camps avec leur famille dans des conditions indignes.

Elle s'intéresse maintenant aux enfants .

Comment ont-ils intériorisé ces traumatismes, le leur et celui de leurs parents, lourd de non-dit, comment ont-ils surmonté le double rejet de leur pays d'origine et de leur pays d'accueil ? Ont-ils réussi, malgré tous les handicaps, à se construire une identité et à s'intégrer à la société française ?

Telles sont les questions auxquelles répond son dernier livre.

 

DES VIES, 62 enfants de harkis racontent donne la parole à 62 fils et filles  de harkis originaires de diverses régions d'Algérie actuellement disséminés sur le territoire français.

C'est un ouvrage collectif , résultat de trois années de travail et de nombreux kilomètres parcourus pour recueillir des centaines d'heures d'interviews, avant d'opérer une sélection et une mise en forme de ces témoignages. Un travail de journaliste plus que d'écrivain.

Assorti de clichés de famille, chaque récit de vie se double  d'un visage, donnant à ces histoires individuelles, touchantes de sincérité, qui bousculent quelques représentations faciles l' aspect concret et humain qui fait défaut à l'histoire.

Et c'est là le principal mérite de cet ouvrage qui se feuillette un peu comme un album-photo.

 

Fatima Benasci-Lancoua choisi une structuration en quatre parties pour présenter les différents témoignages selon les principaux lieux d'acheminement des familles des témoins interrogés.

La première, qui occupe la moitié du livre, concerne le camp de regroupement et de reclassement de Rivesaltes, les deux suivantes le camp de transit de Saint -Maurice-l'Ardoise qui dès 1965 se transforma en cité d'accueil et d'hébergement pour personnes jugées « incasables », et le centre d'accueil de Bias, très vite devenu camp de relégation , qui eut une sinistre longévité. La dernière partie, un peu « fourre-tout » s'attache aux familles n'ayant pas transité par des camps.

Quatre historiens ont prêté leur concours à l'auteure et introduisent chacune de ces parties en présentant un petit historique des divers lieux, décrivant leurs caractéristiques et fournissant quelques statistiques sur les populations qui les ont fréquentés.

Personnellement j'ai trouvé cette structuration  assez maladroite.

La plupart des familles étant  passées par plusieurs de ces camps,  je ne vois pas ce qu'apporte cette distinction et , surtout, ce parti pris de présenter chaque camp séparément donne au lecteur une vision confuse parce que fragmentaire .

Certes , la priorité de l'auteure n'était pas d'analyser le scandale que fut l'existence , longtemps occultée, de ces zones de non-droit  mais,  tant qu'à faire de recourir à des historiens , autant chercher à clairement informer le lecteur.

Il aurait été à mon sens plus judicieux de consacrer une partie à la présentation à la fois synthétique et approfondie des différents lieux de regroupement et une autre aux 62 récits de vie .

 

DES VIES, 62 enfants de harkis racontent, sous la direction de Fatima Besnaci-Lancou, Les éditions de l'Atelier, février 2010, 19 €

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article