"Racconti romani", d'Alberto Moravia
Racconti romani, recueil de soixante et un récits écrits entre 1950 et 1954 par Alberto Moravia fut distingué lors de sa publication par le prix Marzotto et est devenu désormais un «classique» incontournable de la littérature italienne.
Si je choisis de vous le présenter en sa version originale c'est, qu'à ma connaissance, il n'en existe plus actuellement de traduction intégrale française disponible ( les Nouvelles romaines parues chez Garnier-Flammarion ne réunissant que trente-six récits ).C'est aussi, et surtout, parce qu'on y entend une voix particulière, celle du petit peuple de Rome, cet italien populaire, voire dialectal, si pittoresque et dont aucune traduction ne peut rendre parfaitement les couleurs.
Les Racconti romani sont avant tout l'oeuvre d'un conteur – et la traduction de «racconti» en «nouvelles» ne me semble pas adéquate . Ce sont de courts récits écrits pour Le Corriere della sera, de ces histoires qu'enfant Moravia aimait à se raconter à voix haute. Des récits très divers mais dont l'ensemble montre pourtant une grande unité. Car ils ont tous pour décor la ville natale de l'auteur, à laquelle il était profondément attaché et pour unique protagoniste ce petit peuple qu'il avait appris à aimer. On ne s'étonne pas alors de cette narration à la première personne, de ce «je» repris, relayé par soixante et un personnages différents.
Ce sont donc des récits plein de vie, fourmillant de personnages qui parcourent en tous sens la ville et sa banlieue, s'aventurent dans la campagne environnante ou se rendent sur la côte proche pour profiter de la mer. Des personnages qui s'agitent pour subvenir à leurs besoins élémentaires ou réaliser leurs désirs et leurs rêves, pour tenter de sortir de la misère de leur condition sociale en utilisant des moyens pas toujours avouables et , le plus souvent, sans grande réussite. Des personnages qui , parfois aussi, s'enfuient et s'arrêtent à la recherche d'eux-mêmes ...
Vivre ? Survivre ou exister ? Telle est finalement la grande question posée dans ce recueil, une question que Moravia aborde en moraliste, rendant compte de la diversité des comportements humains sans jamais les juger, incitant le lecteur à en tirer lui-même les leçons...
Promenade dans la Rome d'après-guerre
Les personnages des Racconti romani nous entraînent à leur suite. On se serre dans le tram ou l'autobus, on emprunte de larges avenues, traverse des places , des ponts et des parcs, on déambule dans les rues animées des quartiers populaires ou s'enfonce dans des ruelles obscures et désertes, et se dessine une carte de lieux aux noms évocateurs ...
Les traces laissées par la guerre sont encore visibles partout et la crise du logement se fait lourdement sentir dans cette Rome du début des années 1950 où les familles s'entassent dans quelques pièces minuscules et les célibataires se contentent d'un simple lit de camp dans un dortoir, ce qui pousse à vivre surtout à l'extérieur.
On découvre une Rome entre tradition et modernité où subsistent encore une multitude de petits commerces et de petits métiers traditionnels , mais qui voit des banlieues industrielles se développer en mordant la campagne, et, surtout, poindre une forte aspiration à une société de consommation et de loisirs : aller au cinéma ou au restaurant, prendre le train bondé pour Ostie et ses bains de mer, posséder une voiture pour promener les jolies filles ...
Et les écarts n'en sont que plus criants, les nombreux chômeurs et tous les exclus tentant de vivre d'expédients, de petits trafics ou d'escroqueries.
La comédie humaine
C'est tout le petit peuple romain qui est représenté dans ces récits. Les hommes sont chauffeurs, garçons de café, porteurs ou commissionnaires, gardiens, figurants, éboueurs, petits commerçants , petits employés ou artisans. Ils sont aussi chômeurs, mendiants, voleurs ou recéleurs et quelquefois voyous et un peu assassins ... Les femmes, elles , sont servantes, repasseuses ou couturières, manucures, employées ou infirmières et rêvent souvent d'être actrices de cinéma ...
C'est l'occasion pour Alberto Moravia, qui possède un sens aigu de l'observation, de décrire tous ces métiers avec réalisme et , étant , de plus, fin psychologue, de nous livrer ainsi une foisonnante galerie de portraits, brossés avec beaucoup d'humour et de tendresse. Beaux, laids ou même difformes, mais non dépourvus de grâce, roublards et astucieux mais parfois d'une naïveté, d'une crédulité touchante, fanfarons et menteurs mais aussi lâches et vélléitaires, ou même carrément violents, arrogants et sans scrupules, tous dépensent beaucoup d'énergie, mais le plus souvent en pure perte...
Comme le notait Stendhal et comme chacun peut le voir aujourd'hui, "Les Transtévériens, sont encore de beaux gaillards mais bouillants; flegmatiques mais irrascibles; et le sang, tout au moins pour ce qui est des paroles, a vite fait de leur monter à la tête" (1). Et, en effet, ils sont prompts à la bagarre, n'hésitant pas à sortir le couteau, ce qui les mène tout droit en prison...
Des caprices de la fortune
Bonne ou mauvaise fortune , l'Italien du peuple, très superstitieux , croit à la chance et aux présages, à la «iettatura», au mauvais sort que l'on vous jette , à la fatalité ...
Et Moravia, moqueur, se plaît , lui , à souligner dans ces histoires l'ironie de ce sort . Il met en lumière l'indocilité du réel aux volontés de ses personnages, dont beaucoup, se croyant plus malins que les autres, se font prendre à leur propre piège,comme dans Il biglietto falso ( Le faux billet), La parola mamma ( Le mot maman...) ou Gli occhiali ( Les lunettes). Mais il décrit aussi, à l'inverse , des personnages inhibés par leur peur du regard de l'autre, dont la passivité concourt à offrir à un autre , justement, ce bonheur qui aurait pu facilement leur échoir : il en est ainsi dans Bassetto (Petit), Vecchio stupido (Vieil idiot), et Precisamente a te ( Exactement à ton tour ), récits dans lesquels les héros, honteux de leur physique , de leur âge, ou de leur métier laissent passer l'occasion offerte ... Et certains, comme dans Perdipiede ( littéralement: Tu perds pied ), pourtant dotés dès le départ de handicaps insurmontables se voient même promus sans aucun effort alors que d'autres moins gravement handicapés se démènent en vain ...
Les Racconti romani de Moravia montrent qu'il n'y a pas de règles, pas de logique . Nous ne pouvons échapper au tragique de notre destin dont les hasards ne sont pas maîtrisables, mais nous restons, malgré tout, libres et responsables de nos choix. Le tout est de savoir saisir la chance quand elle se présente. Et pour cela il faut de la simplicité, de la sincérité, de l'humilité et surtout du courage , celui de se regarder, de s'accepter , celui d'affronter sans honte le regard de l'autre...
De l'aliénation à l'existence
Qu'est-ce donc que vivre ?
Faire mécaniquement les gestes de la vie, se soumettre sans réfléchir à la routine du travail transforme l'homme en objet , comme cet oncle du héros de La rovina dell' umanità (La ruine de l'humanité) qui se courbe sur son tour et sa scie , s'use les yeux dans la sciure et dont la mort ne sera rien de plus qu'un tour qui se rompt ou une scie qui perd ses dents, la mort d'un instrument et non celle d'un homme. Qui na jamais pris le temps de s'arrêter pour s'interroger sur lui-même se livre à un simulacre de vie, indigne de sa condition d'homme.
Suis-je satisfait de ma vie ? C'est la question que se pose également le héros de Scherzi del caldo ( Farces de la chaleur), abandonnant soudain sa famille un jour où la chaleur exacerbe la promiscuité sordide de son logement , qui va accomplir un parcours presque «psychanalytique» à la recherche de lui-même.
Prise de conscience qui, dans ces deux magifiques récits, à mon sens les plus beaux du recueil, commence par une fuite, une fuite pour s'arrêter et revenir, mais différent, responsable de ses choix. On y voit les deux héros s'éloigner, prendre du recul ou de l'altitude pour contempler leur vie qui s'écoule comme les flots jaunes et boueux du Tibre, sous un ciel de sirocco bleuâtre, ou un ciel nuageux où perce une lumière aveuglante. Délire onirique du dédoublement, dans Scherzi del caldo , où chaque élément prend une signification symbolique, où le héros voit son image renvoyée par une femme miséreuse qui le prend pour un autre répondant au même nom, et se pose enfin la question essentielle : qui suis-je ?
« Je suis Gerardo Mucchietto ! », crie, lui, dans le silence le héros de La rovina dell'umanità, redoutant de voir disparaître cette pensée que la contemplation d'un rameau qui s'agite en vain dans les tourbillons du Tibre a fait surgir , cette si fragile sensation d'accéder à la compréhension, qui se tient en équilibre sur la frange de son esprit ...
Dans ces deux récits visionnaires, fantasmatiques ou telluriques, la puissance symbolique du décor urbain ou le mysticisme émanant de la nature font revenir les héros aux sources de leur vie, de la vie : ils réalisent, dans le secret de leur intimité, leur entière liberté, la responsabilité de leurs choix, ou leur soumission à un mystère qui les dépasse liant l'homme au ciel et à la terre , comprenant enfin ce qu'est le destin.
La langue et le style
On a souvent reproché aux romans de Moravia un style austère, sobre et sec, ce qui n'est pas le cas dans ces récits.
"Le style c'est la voix", disait l'auteur et c'est celle du petit peuple romain qu'il a voulu nous faire entendre. Car la ville qu'il veut décrire se rapproche plus de la Rome populaire et dialectale des sonnets de Belli que de la cité aristocratique et européenne de Stendhal. Moravia s'est donc imposé une contrainte d'écriture, celle de recourir au langage parlé par le petit peuple.
Il utilise une syntaxe simple et un vocabulaire concret et familier , des tournures populaires et des expressions très imagées. Une contrainte qui pourrait sembler réductrice et qui, au contraire, lui permet de traduire la fameuse « énergie » de ce peuple romain que notait déjà Stendhal au siècle précédent. Moravia use en effet de toutes les ressources offertes par la grande variété des suffixes dans la langue italienne qui permet de démultiplier les nuances et , surtout, il a recours à une pléthore d'adjectifs, n'hésitant pas à en accoler plusieurs de sens équivalent qui par leurs sonorités et leur pittoresque donnent beaucoup de vie aux descriptions et aux portraits. Cet abus de qualificatifs, loin d'amollir le texte lui donne ainsi de la chair lui permettant d'accéder, comme l'a si bien dit Gil Jouanard (2), « à l'odeur, à la consistance et à la couleur ».
Moravia pensait qu'il fallait condenser la matière par les images qui «ont une très forte puissance de contenu», images que l'on enchaîne, que l'on monte comme dans un film. «Dans un roman, le style c'est un montage.» Ces propos de l'auteur semblent également valoir pour ses récits. En effet, le recours au langage oral s'y double d'un style très visuel qui évoque souvent le cinéma ou la peinture.
On peut rapprocher, à juste titre, les Racconti romani du néo-réalisme italien de l'époque car Moravia y utilise beaucoup de plans larges qui inscrivent les personnages dans leur milieu familial, social, géographique et professionnel et beaucoup de "scènes" sont "tournées" à l'extérieur. Outre qu'il présente les paroles et les pensées de ses personnages de manière vraisemblable, l'auteur rend ainsi objectivemen» compte de la réalité sans intervenir personnellement.
Pourtant, paradoxalement, Moravia recourt parfois à des artifices expressionnistes, qui culminent dans les deux plus beaux récits déjà cités. Déformant alors la réalité en y projetant sa propre subjectivité au travers de celle de ses personnages, exacerbant l'état émotionnel de ces derniers en prêtant au décor urbain, aux paysages naturels et aux phénomènes météorologiques des aspects démesurés profondément angoissants , il donne une vision apocalyptique de la modernité dans laquelle s'engage une Rome qui a perdu son innocence. Et de La rovina dell'umanità , le récit culminant de ce recueil, émane même un mysticisme de la nature amorçant une réflexion sur la condition humaine, très proche de la philosophie et de l'esthétique orientale, qui évoque plus le cinéma chinois ou indien que le néo-réalisme italien.
1) Préface d'Alberto Moravia pour l'édition de 1958 de Promenade dans Rome de Stendhal
2) Gil Jouanard, L'oeil de la terre
Racconti romani, Alberto Moravia, Tascabili Bompiani, septembre 2008
EXTRAITS
Fanatico, p. 3/4
Un aperçu «réaliste» :
Una mattina di luglio, sonnecchiavo a piazza Melozzo da Forlì, all'ombra degli eucalitti, presso la fontana asciutta, quando arrivarono due uomini e una donna e mi domandarono di portarli al Lido di Lavinio. Li osservai mentre discutevano il prezzo: uno era biondo, grande e grosso, con la faccia senza colori, come grigia e gli occhi di porcellana celeste in fondo alle occhiaie fosche , un uomo sui trentacinque anni. L'altro più giovane, bruno, coi i capelli arruffati, gli occhiali cerchiati di tartaruga, dinoccolato, magro, forse uno studente. La donna, poi, era proprio magrissima, col viso affilato e lungo tra due onde di capelli sciolti e il corpo sottile in una vesticciola verde che la faceva parere un serpente.Ma aveva la bocca rossa e piena, simile ad un frutto, e gli occhi belli, neri e luccicanti come il carbone bagnato; e dal modo col quale mi guardò mi venne voglia di combinare l'affare. Infatti accettai il primo prezzo che mi proposero; quindi salirono,il biondo accanto a me,gli altri due dietro; e si partì.
Attraversai tutta Roma per andare a prendere la strada dietro la basilica di San Paolo che è la più corta per Anzio. Alla basilica feci il pieno di benzina e poi mi avviai di gran corsa per la strada. Calcolavo che ci fossero una cinquantina di chilometri, erano le nove e mezzo, saremmo arrivati verso le undici, giusto in tempo per un bagno in mare. La ragazza mi era piaciuta e speravo di fare amicizia : non era gente molto in su, i due uomini sembravano, dall'accento, stranieri, forse rifugiati, di quelli che vivono nei campi di concentramento intorno a Roma. La ragazza, lei, era invece italiana, anzi romana, ma, anche lei, roba da poco : mettiamo che fosse cameriera o stiratrice o qualche cosa di simile. Pensando queste cose, tendevo l'orecchio e udivo, dentro la macchina, la ragazza e il bruno chiacchierare e ridere. Sopratutto la ragazza rideva, perché, come avevo già notato, era alquanto sguaiatella e scivolosa, proprio come una serpicciola ubbriaca. Il biondo, a quelle risate, raggrinzzava il naso sotto gli occhiali neri da sole, ma non diceva nulla, neppure si voltava. Ma è vero che gli bastava alzare gli occhi verso lo specchietto, sopra il parabrise, per vedere benissimo che cosa succedeva dietro di lui . Passammo i Trappisti, l'E 42, tirammo tutto di un fiatto fino al bivio di Anzio. Qui rallentai e domandai al biondo vicino a me dove precisamente volessero essere portati. Lui rispose: « Un luogo tranquillo dove non ci sia nessuno... vogliamo star soli. » Io dissi: « Qui ci sono trenta chilometri di spiaggia deserta... siete voi che dovete decidere. » La ragazza da dentro la macchina gridò: « Lasciamo decidere a lui. » Risposi: « Io che c'entro? » (...)
Scherzi del caldo p.33/35
Le premier paragraphe qui, dans un style très réaliste, saisit de manière vivante et pleine d'humanité toutes les conditions de vie difficiles d'un héros ayant traditionnellement à sa charge une famille élargie, est un véritable document sociologique .
Le deuxième paragraphe, d'une tonalité nettement expressioniste , donne une vision alarmante de la Rome moderne, de sa laideur et de sa pollution, décrivant un paysage industriel apocalyptique ,où il n'y a plus de place pour l'homme .Un paysage hautement symbolique, à l'image du ressenti du héros dont la vie semble aussi minuscule que lui apparaît le Tibre de son point de vue, un égoût à ciel ouvert sans échappée vers la mer, sans issue possible... Le héros va se perdre dans des ruelles obscures , angoissé mais bien décidé à ne pas revenir en arrière , quand il s'entend hêler comme un chien...
(...)
Uno di quei giorni, dopo aver fatto una buona litigata con tutta la famiglia e cioè con mia moglie perché la minestra era salata e bollente, con mio cognato perché prendeva le parti di mia moglie e secondo me non ne aveva il diritto essendo disoccupato e a mio carico, con mia cognata perché mi defendeva e questo mi dava fastidio perché sapevo che lo faceva per civetteria essendo innamorata di me, con mia madre perché cercava di calmarmi, con mio padre perché protestava che voleva mangiare in pace, e perfino con la bambina , perché era scoppaiata in pianto, tutto ad un tratto mi alzai, presi la giubba dalla seggiola, dissi con semplicità: « Sapete che nuova c'è ? Mi avete seccato tutti, arrivederci a ottobre, col fresco, » e uscii di casa. Mia moglie, poveretta, mi rincorse e, affacciandosi alla ringhiera della scala,, mi gridò che c'era l'insalata di cetrioli che mi piace tanto. Gli risposi di mangiarsela lei e discesi in strada.
Abitiamo sulla via Ostiense. L'attra versai e, macchinalmente, me ne andai al ponte di ferro, dove c'è il porto fluviale di Roma. Erano le due, l'ora più calda della giornata, con un cielo di sirocco, livido, che pareva un occhio che avesse preso un pugno. Giunto al ponte, mi appoggiai alla spalletta di ferro imbullonato : scottava : Il Tevere, incassato tra le banchine, in fondo ai muraglioni a sghembo, pareva, anche per il colore fangoso, una fogna allo scoperto. Il gasometro che sembra uno scheletro rimasso da un incendio, gli altiforni delle officine del gas, le torri dei silos, le tubature dei serbatoi di petrolio, i tetti aguzzi della centrale termoelettrica chiudevano l'orizzonte così da far pensare di non essere a Roma ma in qualche città industriale del Nord. Stetti un pezzo a guardare il Tevere, giallo e piccolo, con una chiatta piena di sacchi di cemeno ferma presso la banchina, e mi venne da ridere pensando che quel rigagnolo si chiamava porto come i porti di Genova e di Napoli affollati di navi di tutte le grandezze. Se volevo fuggire davvero, sì e no da quel porto avrei potuto arrivare a Fiumicino, giusto per mangiare la frittura di pesce in vista al mare.. Finalmente mi mossi, varcai il ponte, mi diressi verso certi terreni che si trovano dall' altra parte del Tevere. Sebbene abitassi lì vicino, non ci ero mai stato e non sapevo dove andavo. Dapprima camminai per una strada asfalta, regolare, benché tra campi brulli sparsi di mondezze; poi la strada diventò un viottolo terroso e le monderezze diventarono mucchi alti, quasi collinette. Pensai che ero capitato proprio nel luogo dove vanno a scaricare tutte le mondezze di Roma : non si vedeva un filo d'erba, ma soltanto cartacce, scatolame rugginoso, torsoli, detriti, in una luce che accecava con un puzzo acido di roba andata a male. Mi sentivo sperduto, come chi non abbia più voglia di andare avanti e d'altra parte non vorebbe tornare indietro. Ad un tratto, sentii chiamare « pss...pss..., » come si fa coi cani.
(...)
La rovina dell'umanità p.201/202
C'est une réflexion sur la condition humaine.
Le premier extrait fait, avec dérision , une belle description de l'aliénation, de la dépossession de l'être, de la déshumanisation ( une aliénation très différente de l'alienation du travail marxiste, l'oncle, artisan-menuisier maîtrisant toutes les étapes de la fabrication, des planches au meuble fini...)
(...) Lo zio, invece, era proprio il contrario di me : lavorava sempre con accadimento, con passione, senza mai, rifiattare né rifflettere; e così da una seggiola a un infisso, da un infisso a un armadio, da un armadio a un comodino, da un comodino a una seggiola era arrivato a cinquant'anni, che tanti ne aveva, e si capiva che avrebbe continuato a quel modo fino alla morte, che sarebbe stata un po' la morte di un tornio che si spezza o di una sega che perde i denti, la morte, insomma,di uno strumento e non di un uomo. E infatti, la domenica, quando si metteva gli abiti della festa e se ne andava lento lento, per i marciapiedi di Via Arenula, insieme con la moglie e coi figli, gli occhi socchiusi, la bocca storta e due rughe profonde tra la bocca e gli occhi, sembrava proprio uno strumento fuori uso, inutile, spezzato; e non potevo fare a meno di ricordare che quella faccia gli era venuta a sforza di chinarsi sul tornio e sulla sega e di strizzare gli occhi nel polverio della segatura; e mi dicevo che non valeva la pena di vivere se ogni tanto non ci si fermava e non si pensava che stava vivendo.
(...)
Le deuxième extrait , par le mysticisme de la nature qui en émane , par la puissance symbolique de ses images m' évoque le cinéma chinois et indien :
« C’est une feuille tombée dans le ruisseau et luttant sans succès pour remonter le courant qui m’a fait comprendre ce qu’est le “destin” », dit Chen Kaige, réalisateur de Adieu ma concubine...
Dans Le salon de musique de Satyajit Ray : un gros plan sur un insecte se noyant dans un verre au moment où la femme et le fils unique du maître des lieux disparaissent dans un naufrage ...
A noter, aussi, une très belle image de l'innocence perdue : celle de la Rome traditionnelle d'avant-guerre pervertie par la modernité : « Au-delà du Tibre, il y avait d'autres prairies d'un vert tendre, parsemées de brebis gonflées de laine sale qui broutaient avec quelques agneaux tout blancs ça et là , dont la toison n'avait pas eu le temps de se souiller .»(Traduction approximative dont je ne garantis pas la justesse !)
(...)
Giunto al Tevere, a un posto che la costa e mena ripida, mi lasciai sdrucciolare giù per il pendio fino alla riva e sedetti tra i cespugli. Ad un passo da miei piedi scorreva il Tevere, e lo vedeve girare come una serpe per la campagna, con la luce abbagliante del cielo rannuvolato sulla pelle gialla e grinzosa. Al di là del Tevere, c'erano altri prati di un verde pallido e, sparse per i prati, tante pecore che brucavano, gonfie di lana sporca, con qualche agnellino proprio bianco qua e là, cui la lana non avevo fatto a tempo di insudiciarsi. Stavo seduto con le ginocchia tra le braccia e guardavo fisso all'acqua gialla che in quel punto faceva un mulinello fuori dal quale sporgeva un ramo nero, ispido e arruffato che pareva la capigliatura di un' annegata . Allora , in quel silenzio , mentre quel ramo nero come l'ebene tremava alle scosse della corrente ma non si muoveva, mi sentii tutto ad un tratto come ispirato. E non con il pensiero ma con un senso più profondo del pensiero mi parve di aver capito una cosa molto importante. O, meglio,, di poterla capire, soltanto che mi fossi sforzato di arrivarci. Stava, insomma, questa cosa in bilico, come si dice che le parole stanno sulla punta della lingua. E io per fermarla e impedirle di ricadere giù nel buio, dissi improvvisamente ad alta voce : « Mi chiamo Gerardo Mucchietto. »
(...)