Notes pour un fantôme, suivi de Hétéroclites / La gloire des poussières, de Raymon Farina
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Alors qu'il n'avait pas publié de poésie depuis ses deux derniers recueils Eclats de vivre et Une colombe une autre (2006), hormis en 2015 une anthologie en ebook, La maison sur les nuages, puisant dans la totalité de son œuvre et ne comportant qu'un poème inédit, Raymond Farina sort enfin de son silence.
Il vient de publier en effet deux nouveaux recueils quasiment en même temps chez deux éditeurs différents : Notes pour un fantôme, suivi de Hétéroclites, et La gloire des poussières. Deux recueils qui s'inscrivent dans le prolongement de la tonalité lumineuse et apaisée que ce poète, effaçant "la frontière entre mourir et vivre", avait donnée à son anthologie, et qui distillent de même une "métaphysique de la légèreté" nous libérant de la gravité de ce monde.
Toute l'oeuvre du poète s'ancre dans l'enfance et cette nature méditerranéenne qui fut sa compagne, trouvant aussi refuge chez ses compagnons de lecture latins et grecs. Une œuvre bâtie sur les nuages qui certes se heurte aux questions primordiales, à "l'énigme de soi" et aux "entrailles de l'être" comme à l'absence et à la mort, à la cruauté des hommes, mais les transcendent en s'inspirant d'une cosmogonie enfantine joyeuse et innocente.
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Le délicieux Notes pour un fantôme explore le vertige des possibles en seize courts poèmes, nous renvoyant à la fragilité aléatoire de nos vies éphémères :
«Banal de dire
que le trajet d'une existence
un grain de sable en décide,
peut décider de l'inverser.
(...) » (UN JEU ETRANGE)
Et il nous conduit à l'acceptation de notre insignifiance au sein du cosmos, nos corps, «caprices d'atomes»,
«N'existant qu'en sourdine,
en esquisse ou en clair-obscur,
comme presque
ou comme peut-être,
comme lèvre qui tremble
entre oui & non,
bulle ou poussière,
ombelle ou plume,
entre ciel et terre.»
(UN SOUPCON D'EXISTENCE)
Tandis qu'Hétéroclites, rassemblant vingt-quatre poèmes en une sorte de bric à brac, insiste sur la disparition de nos traces, le poète ne prétendant qu'à l'effacement et ne revendiquant que «le critère de légèreté » :
«N'aie donc que léger pour bagage
et que le bleu à raconter
Que ton seul verbe soit partir,
ta seule fable les oiseaux
qui n'ont que le vent pour biographe.»
(TRACE DE QUI DE QUOI ?)
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Peinture de René Magritte
La gloire des poussières, réunissant quatre ensembles de poèmes, exalte avec bonheur la figure privilégiée de l'artiste, peintre ou musicien : «Toi qui jouis du privilège/ de l'extrême légèreté/ que Dieu n'accorde qu'aux oiseaux». (POUVOIR DE L'ARTISTE)
C'est un recueil qui, «entre l'illusion consentie/ et la lucidité conquise», nous incite à n'être «sensible qu'à la vie», à «la joie et la Beauté». A cultiver nos nuages pour faire patienter la mort :
«Puis va cultiver tes nuages
dans la saison folle, elle aussi,
de la folle folie des hommes,
tes nimbus & tes chrysanthèmes,
tes crocus & tes métaphores,
tes projets bourdonnant d'abeilles,
pour faire patienter la mort.»
(CONSEILS A UN AMI LOINTAIN)
Et, comme ces «rois» admirés, Raymond Farina, qui n'ambitionne que de «régner sur un myosotis», a le merveilleux pouvoir «de transformer en sonatines/ les énigmes et les questions» qu'au Sphynx en vain on pose, ou «d'apaiser dans une aquarelle/ l'Arménie d'ocre & de sang».
(POUVOIR DE L'ARTISTE)
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Notes pour un fantôme suivi de Hétéroclites, Raymond Farina, N & B éditions, 1er septembre 2020, 86 p.
La gloire des poussières, Raymond Farina, éditions Alcyone,18 août 2020, 60 p.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Raymond_Farina
http://l-or-des-livres-blog-de-critique-litteraire.over-blog.com/farina-raymond.html