Ceux que la nuit choisit, de Joris Giovannetti

Publié le par Emmanuelle Caminade

 

 

Ceux que la nuit choisit est un premier roman ambitieux tant par son format de près de cinq cents pages que par son contenu, Joris Giovannetti y développant une intrigue sur deux niveaux de lecture. C'est un long roman d'apprentissage d'une tonalité plutôt noire où, à travers deux couples de héros étudiants autour desquels gravitent de nombreux personnages plus ou moins secondaires (1), il s'attache aux rêves et aux désillusions, au désarroi et aux métamorphoses de jeunes insulaires de sa génération cherchant leur voie qui seront confrontés à des drames ou pris dans des engrenages destructeurs débouchant pour certains, ayant la force de se reconstruire, sur une renaissance salvatrice. Il éclaire ainsi ce que nous faisons de nos vies, remettant en cause notre libre arbitre : «Nous ne faisons pas nous mêmes le chemin qui doit nous mener à notre perte ou à notre salut. Nous n'en sommes pas responsables. C'est la nuit qui choisit toujours, comme la grâce, où elle veut frapper.»

 

Grand lecteur et admirateur de Jérôme Ferrari, ce professeur de philosophie corse utilise la fiction pour porter un regard lucide sur la réalité de son île, sonder le mystère et la solitude des êtres au-delà des apparences et donner chair à une réflexion philosophique et métaphysique plus large sur notre perception du monde et le sens de l'existence. Et il met particulièrement Nietzsche à l'honneur, un philosophe dont l'oeuvre complexe souvent équivoque se prête à diverses interprétations - et qui fut fasciné par la Corse (2) : une île bien différente à la fin du XIXème de celle des années 2010 dans laquelle se déroule ce roman. 

 

Ce n'est pas un roman d'une lecture facile s'adressant à tout public comme le donne à penser une interview de l'auteur (3) insistant notamment sur le fait que, s'il est aussi un roman à clé entrant en connivence avec ceux qui connaissent la philosophie de Nietzsche, il peut être lu sans problème par tout un chacun.
Je ne pense pas que ce propos soit réellement élitiste chez ce jeune auteur qui semble vouloir inciter tous ses lecteurs à réfléchir, mais un vrai lecteur ne peut se contenter d'une lecture de surface sans tourner la clé pour tenter de pénétrer le soubassement philosophique de son roman et d'accéder à sa compréhension entière, même si certains éléments risquent de lui échapper. Aussi les non spécialistes - dont je suis - devront-ils rafraîchir au préalable leurs connaissances sommaires de la pensée nietzschéenne, ce qui est assez facile à notre époque via google mais demande du temps et investissement intellectuel.

 

1) Trois d'entre eux ayant un statut intermédiaire

2) Selon Thierry Ottaviani dans son essai Nietzsche et la Corse , le philosophe voyait dans cette île un idéal terrestre, matrice et laboratoire possible du Surhomme.

3) Cf cette interview sur Radio Corse international

 

 

Si le roman est manifestement très travaillé, son intrigue est simple.

Etudiants à l'université de Corte (le premier en philosophie et le second en histoire) et militants dans un syndicat nationaliste, les deux frères Gabriel et Raphaël Cristini vont faire une rencontre féminine qui va perturber leur vie.

Après avoir été séduit un soir par Cécilia, revenue en Corse après avoir obtenu un bachelor en marketing à Nice, Gabriel, dépassé par ses émotions, est victime d'une crise de panique paralysante et son aventure avorte à peine esquissée. Contraint à s'isoler des autres par peur d'une rechute, il vit désormais sous médicaments dans la maison familiale inoccupée de leur village ancestral de Haute-Corse où il s'est réfugié, préparant un mémoire de recherche sur Nietzsche axé sur le rapport entre la clairvoyance de ce philosophe et sa folie. Mais il reste toujours secrètement hanté par la beauté angélique du visage de Cécilia - qui ne souhaite pas le revoir mais dont il suit avec ferveur le compte Instagram.

Quant à son frère aîné, de loin le plus engagé politiquement, il entretient une relation amoureuse avec la belle et brillante Lelia, une étudiante en philosophie d'origine marocaine pour laquelle Ainsi parlait Zarathoustra fut une révélation, mais il garde cette relation secrète, craignant le jugement aux relents racistes qu'elle pourrait susciter chez ses camarades, notamment chez le syndicaliste Lucien ou Battì, le patron du bar du village. Cette relation ne durera qu'un an, la rencontre hostile avec Malik, frère aîné de Lelia et petit dealer, ayant entraîné une dispute le poussant à rompre de manière impulsive : une rupture qu'il vit très mal car il est toujours amoureux de Lelia, même s'il ne veut l'avouer...

 

Joris Giovannetti possède une belle écriture contrastée non dénuée de malice.

Même s'il se lance parfois dans des phrases tarabiscotées plutôt confuses nuisant à la fluidité de son style (4), il manie plutôt avec aisance une langue poétique au lexique souvent religieux tout en adoptant un langage plus grossier et terre à terre donnant authenticité à certains personnages voulant donner d'eux une image virile. Il aime par ailleurs décocher quelques traits ironiques acérés ou, au-delà du sérieux de ses interrogations philosophiques, donner à son texte une dimension ludique (5), entraînant notamment parfois le lecteur sur un jeu de piste. Sollicitant sa vigilance dès la première partie du livre, il y place ainsi dans une phrase faussement anodine un indice important dont la confirmation sera tout aussi brièvement suggérée à la fin du livre, et réussit avec brio à l'entraîner sur une fausse piste en son milieu.

 

Ce jeune auteur a de plus fait des choix narratifs pertinents et solidement construit son roman.

Il a ainsi opté pour une narration à la troisième personne, son narrateur omniscient adoptant tour à tour le point de vue de ses protagonistes, ce qui lui permet de sonder leur intimité tout en commentant leurs pensées et leurs actes. Amorçant son récit en août 2016 sur la rencontre de Gabriel et Cécilia, il l'a judicieusement scindé en deux fils narratifs (6). Tandis que le fil principal continue jusqu'en 2018, s'ouvre ainsi un second fil uniquement consacré à Cécilia (le Surhomme est parfois une femme !) qui, remontant trois ans en arrière, revient sur l'épreuve douloureuse qu'elle a vécue et qu'elle va réussir à surmonter. Et ce deuxième fil, mené dans un vivant présent de narration convenant à une héroïne qui trouvera la force de renaître de ses cendres, rejoint le premier sur la fin.

 

Pour introduire la thématique centrale du destin funeste de l'homme, qu'il soit associé à sa responsabilité et à sa culpabilité ou s'inscrive dans une fatalité aveugle le dépassant - comme c'est semble-t-il le cas dans l'oeuvre de Nietzsche renouant avec le tragique grec -, son étrange prologue nous propulse de 1889 à cette guerre de 1914 ayant mis la société corse à l'agonie, instaurant une malédiction archaïque pesant sur les générations à venir de Cristini. Une malédiction rappelant habilement la malédiction biblique des hommes depuis la faute originelle.

Le roman se déroulant sur cinq ans (du 21 juin 2013 au 26 août 2018) est ensuite divisé en sept parties regroupant une multitude de courts chapitres dont les titres précisent minutieusement les dates (dans une succession d'instants s'accordant au temps humain) mais aussi les lieux essentiellement corses : Village, Corte, Ajaccio, Lupino (Bastia) ... avec quelques incursions sur le continent, à Nice surtout. Et ces lieux qui reviennent régulièrement donnent l'impression que les personnages tournent en rond dans cette île exigüe où ils semblent enfermés. 

Ces sept parties décrivant le chemin de vie des héros ainsi que, plus brièvement, celui de Battì, Lucien ou Malik sont de plus introduites par une citation de Nietzsche en exergue soulignant de manière pas toujours évidente (ce qui stimule le lecteur curieux !) un élément de leur contenu foisonnant, récit fictif et questionnements philosophiques s'y entrelaçant intimement.
Ce corpus narratif est par ailleurs curieusement encadré par ce qui ne semble à mes yeux qu'une fioriture, l'auteur introduisant symétriquement au début de la première partie et à la fin de la septième un court flash-back remontant à la veille, le premier notamment (concernant le même fil narratif) n'apportant rien de nouveau au récit.

 

Malgré ses très nombreuses qualités, j'ai trouvé ce roman trop long car peinant à trouver son souffle dans sa première moitié, l'extrême fragmentation des chapitres ajoutant alors un effet pervers. Dans le fil narratif principal, l'auteur prend en effet beaucoup de temps pour planter le décor et installer ses différents personnages, décrivant la banalité de leur vie en diluant son récit dans de nombreux détails quotidiens qui apportent peut-être de la vraisemblance et soulignent surtout la vacuité et la répétition de nos existences (7) mais s'avèrent fastidieux.

Certes l'auteur analyse avec finesse la psyché de ses personnages et le manque de perspectives qui leur sont offertes sur l'île, dressant un portrait très juste de la Corse contemporaine. Dérives et tensions au sein des mouvements nationalistes (8), repli identitaire agressif face au tourisme de masse et à la présence marocaine, schizophrénie entre l'effervescence estivale et l'ennui hivernal, les bars, une fois les boîtes de nuit fermées, «représentant les derniers refuges de socialisation » … : toutes choses qui devraient intéresser nombre de lecteurs mais sont loin d'être une découverte moi qui ai lu beaucoup d'auteurs corses, à commencer par Jérôme Ferrari et Marc Biancarelli. Et tout ce qui concerne cette jeunesse actuelle vivant au travers des réseaux sociaux, ce qui n'a rien de spécifique à la Corse, a de même déjà été traité par Francesca Serra dans son roman sur la génération internet Elle a menti pour les ailes.

Aussi m'a-t-il fallu attendre la troisième partie, quand les fils reliant les personnages se resserrent et l'intrigue se densifie, pour être véritablement emportée par ma lecture, ce qui ne m'a pas empêchée de goûter toutes ces références souvent critiques ou ironiques aux concepts nietzschéens et la tonalité métaphysique que cet auteur féru en angéologie donne à son histoire (grâce notamment à sa belle écriture métaphorique), et qui font à mon sens toute la singularité de son roman.

4) J'ai ainsi dû m'y reprendre à trois fois pour démêler les deux Lelia, avant de finir par comprendre que "celle-ci" ne pouvait se rapporter qu'à "son homonyme" ! : «Gabriel s'en voulut de ne pas avoir précisé immédiatement l'identité de celle qui allait dévoiler ce que son homonyme ne savait pas, alors que celle-ci se dirigeait vers son avenir, ignorant que, ailleurs, quelqu'un d'autre avait passé une porte, pour être accueilli par les anges, au son des trompettes célestes, et au choix de la nuit. »

5) Il joue ainsi sur les prénoms des héros, s'amuse à utiliser en motif Jim Morrison - parfois surnommé "le Zarathoustra du rock", allant même jusqu'à faire "liker" une photo par "Zarathoustra 2b" sur le compte Instagram d'un protagoniste ... Il envoie de même de nombreux clins d'oeil aux connaisseurs en glissant certains concepts nietzschéens dans son lexique courant ou en jonglant par exemple sur l'ambivalence du terme "prophète" (ou prophétie) - déjà entre guillemets dans la citation de Nietzsche en exergue de la partie III...

6) L'auteur reprenant de plus ponctuellement le fil du prologue, de manière habile, au début de la partie III ainsi que dans la dernière partie

7) L'île apparaissant alors comme "une représentation de l'existence elle-même", "une forme de répétition du vide incluse dans le modèle répétitif général dont l'achèvement (...) est la mort" (Cf la nouvelle Concept opératoire ouvrant le très nietzschéen recueil Variétés de la mort de Jérôme Ferrari)

8) Ceux qui, dans une non-violence démocratique, s'en tiennent à la lutte contre le tourisme de masse et les intérêts privés, la spéculation immobilière et la dégradation de l'environnement et pour le maintien et l'institutionnalisation de la langue corse s'opposant aux nostalgiques de la lutte armée et de la clandestinité et aux partisans d'une «garde ancestrale de la Vierge Marie» : d'une identité corse catholique largement fantasmée qui serait menacée «par l'apport toujours croissant de Français et d'Arabes » ...

 

  

L'auteur met en scène de jeunes Corses de milieu social, d'origine et de caractère différents à l'âge où il doivent construire leur chemin de vie, mais à qui on n'a jamais parlé «des carrefours cachés, des trajectoires atypiques ou des sentiers qui ne mènent nulle part». Des voies qui «sont aussi là quelque part, invisibles», et qui justement retiennent toute son attention. Les parcours divers de ses héros lui donnent ainsi matière à développer la riche thématique du destin en abordant notre condition humaine marquée par la mort et l'existence du mal. Dans une réflexion et des interprétations soulignant les paradoxes et laissant place au doute il interroge ainsi tant la résignation fataliste ("c'était écrit")  et cette conception chrétienne laissant place au libre arbitre et culpabilisant l'homme que celle d'un monde sans Dieu prônée par Nietzsche : une vision dans laquelle certains, se distinguant de la masse grégaire, trouveront en eux la force de se dépasser sur cette terre en portant le monde tel qu'il est, sans avoir besoin d'idole à vénérer. 

Portant son lot de meurtres crapuleux, règlements de compte mafieux et accidents de voiture, «l'île semblait  accoutumée à la mort, entretenant le paradoxe immense d'en être à la fois surprise et d'y être parfaitement habituée, comme si présidait à chacun de ces événements la présence impérieuse d'un fatalisme dont l'existence implicite était admise.»

Battì, Lucien et Malik sont ainsi rattrapés par un destin inéluctable (9) entrant somme toute dans l'ordre des choses et ne nous surprenant pas. Et ces trois drames se succédant dans la seconde moitié du livre ne rongeront longtemps que leurs proches. Retraçant sur cinq ans le parcours de ses quatre protagonistes principaux, l'auteur s'attache au contraire à nous surprendre.

Gabriel, garçon peu affirmé, est frappé soudainement par une maladie (incarnant son désarroi existentiel) dont il n'est en rien responsable - pas plus que Cécilia, jeune fille insouciante qui, pour une anodine imprudence une nuit de fête, sera «privée à jamais de son innocence». Mais ils sortiront peu à peu de leur nuit, Gabriel surmontant sa peur, gagnant en assurance et trouvant sa voie, tandis que Cécilia, bien qu'ayant touché le fond de l'abîme, dira à nouveau oui à la vie avec enthousiasme.

Les chemins de Raphaël et de Lelia, s'équilibrant dans un mouvement inverse, seront bien différents. Plus déterminé que son frère, Raphaël croit en l'action collective, sacrifie tout au syndicat et vénère la figure tutélaire du leader politique Paul-Toussaint Desanti, tandis que Lelia, s'émancipant de sa religion et de son milieu social comme de son origine (10), dirige sa vie avec en tête un projet individuel bien défini : des destins programmés qui vont s'écrouler. Raphaël en effet ne se remettra pas de la chute de son idole et Leïla qui, répondant à un sujet d'oral portant sur les vérités éternelles, argumentait sur la fin de la métaphysique, finira par revenir aux croyances familiales et se ranger au "mektoub".

 

Au-delà de leurs souffrances, l'auteur déroule de plus le parcours de ses deux héroïnes féminines en l'articulant ironiquement autour de Nietszsche. 

Lelia, pourtant aidée par son livre fétiche Ainsi parlait Zarathoustra, ne trouve ainsi aucune force pour surmonter l'abandon de Raphaël, sombrant dans une profonde tristesse, et le destin tragique de son frère remet en cause le "Dieu est mort" nietzschéen qu'elle avait fait sien.

Quant à Cécilia qui ne connaît rien du philosophe et «a vécu le mal dans sa chair», dépassant sa douleur, «absente à la culpabilité et au ressentiment», elle réussit après beaucoup d'efforts et de souffrance «à devenir une personne» : «Elle ne croit qu'en elle-même et n'existe que pour s'accomplir, résolue à garder le contrôle de son existence» et «la volonté de puissance (…) émane de chaque pore de sa peau». Cependant, toujours aveugle (11) au réel, celle qui enfant se conformait à l'image qu'on attendait d'elle, puis dans son malheur se faisait une image fausse d'elle-même vit toujours dans l'illusion au travers de l'image qu'elle veut donner d'elle sur Instagram. Elle y a en effet «construit son avatar qu'elle expose à la face d'une jeunesse ivre de ses symboles» et est devenue une idole dont des milliers d'abonnés célèbrent le culte. 

«On pense avoir tué Dieu (…). En vérité, on ne s'adonne plus au verbe que pour louer les images, on est devenu friand d'un rapport au monde qui atteste de l'existence superficielle et élégante des apparences. Nous n'avons plus foi que dans les images qui nous représentent, et ainsi, peut-être, sans le savoir, nous sommes devenus le miroir du divin. Des Dieux, des Surhommes ou bien des imbéciles. C'est à peu près la même chose

9) Qui leur sera annoncé dans leurs rêves par un personnage du prologue "venu de la nuit" la plus profonde

10) Elle a ainsi fui l'arabe pour dessiner son avenir en français, son prénom - dont curieusement l'accent tonique ne porte pas sur la même syllabe que pour l'autre Lelia - étant sans doute à l'origine Leila !

11) Cécilia a pour étymologie "Caecilius", dérivé de "caecus" signifiant "aveugle" en latin.

Les ailes du désir, Wim Wenders

«Qui connaît la part infime de notre libre arbitre et le poids de Dieu sur nos rencontres ? Les anges assurément, mais ils nous sont muets.»

La figure de l'ange, ce messager ailé reliant ciel et terre, est dans l'imagerie chrétienne la représentation d'un destin émanant d'un Dieu bienveillant qui guide l'homme et désire l'éloigner du mal. Et dans ce monde sans Dieu dans lequel il vit désormais en proie à l'angoisse, l'homme tente de donner un sens à sa vie lui apportant le bonheur : «La perspective d'un ange qui nous guide serait largement plus rassurante. Ainsi nous ne serions pas abandonnés.»

Mettant son roman sous l'égide d'une citation de Rilke tirée des Elegies de Duino (12), Joris Giovannetti habite tout son texte de la présence d'anges semblant surplomber indifférents et impuissants nos vies humaines - dont manifestement ils ne savent rien (13), et il joue même du motif de l'ange en donnant aux frères Cristini des prénoms d'archange et appelant ironiquement Marc-Ange son personnage mafieux incarnant le mal conquérant, ou en utilisant le mot ange dans des expressions du langage courant ! Et cela apporte à Ceux que la nuit choisit à la fois tension et harmonie et permet à l'auteur d'exprimer toute son empathie et sa compassion pour ses personnages, si touchants par leurs faiblesses et la vanité de leurs choix. Un auteur qui préfère la mélancolie consolatrice au désespoir, distillant dans son roman une sorte de tristesse heureuse (pour employer un oxymore). Filant la métaphore de l'ange, moins symbole du destin que du hasard (14), il éclaire ainsi la question du sens et le doute métaphysique, nous renvoyant au mystère insondable de l'Etre :

«Peut-être que se révèle à la surface du visage des anges un message, une absolution, ou bien au contraire, que le cœur du sujet demeure justement dans ce qui n'apparaît pas ? (...)»/ «Peut-être les choses sont-elles écrites dans un temps dont nous ne savons rien ?» 

 

Et dans un monde sans Dieu laissant l'homme à la tentation nihiliste, ce roman très nietzschéen résonne comme un hymne non à la joie mais à la vie, malgré son absence d'un sens qui nous soit perceptible et toutes les souffrances qu'elle charrie.

12) "Qui donc, si je criais, m'écouterait dans les ordres des anges? Et même si l'un d’eux me prenait soudain en son cœur, je périrais sous le coup de son existence tellement plus forte que la mienne. Car le Beau n’est que la porte de l'angoisse, ce seuil dont nous approchons tout juste, et nous l'admirons tant parce que, dans sa grandeur, peut lui chaut de nous détruire. Tout ange est d'angoisse."

13) «On peut déplorer que les anges nous soient gardiens sans connaître nos peines»/ «au ciel, ils ne savaient rien.»

14) «Le hasard représente peut-être le meilleur symbole de l'ange.»

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ceux que la nuit choisit, Joris Giovannetti, Denoël, 2 mars 2025, 480 p.

 

 

A propos de l'auteur :

Né en 1992, Joris Giovannetti a étudié les sciences politiques et la littérature. Il enseigne aujourd'hui la philosophie et partage sa vie entre Bastia et la Castagniccia, région dont il est originaire.

 

EXTRAIT :

On peut lire les premières pages (p.11/52) sur le site de l'éditeur : ici

 

Retour page d'accueil

 

Publié dans Fiction

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article