"La porta dell'acqua", de Rosetta Loy

Publié le par Emmanuelle Caminade

 

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La porta dell'acqua (La porte de l'eau) est un roman au charme grave, à la fois tendre et violent, qui décrit par la voix d'une enfant «l'univers passionnel» d'une petite fille de la haute bourgeoisie italienne dans la Rome de la deuxième moitié des années 1930 marquée par la réconciliation du fascisme et de l'Eglise et la montée de l'antisémitisme.

Après l'avoir publié une première fois en 1976,  Rosetta Loy remaniera son texte (1) qui sera publié dans sa version définitive en 2001.

Dans ce roman où «souvenirs et imagination ont galopé ensemble» , l'auteure a pu se dégager des contraintes du temps et de l'espace grâce à la fiction mais les «deux piliers» qui soutiennent ce fascinant récit imbriqué dans l'Histoire, «la passion malheureuse» d'une enfant abandonnée brutalement et sans la moindre explication par sa gouvernante à l'âge de quatre ans et demi et la violence incompréhensible   du  sort  de  Paulinchen , sont strictement  autobiographiques.

 

 

Ce livre m'a immédiatement évoqué le film Cria Cuervos dont il est une sorte d'équivalent littéraire, alors qu'il semble impossible d'établir le moindre lien d'influence entre ces deux oeuvres, le film de Carlos Saura ayant été primé en 1976 à Cannes l'année de la sortie de la première version de ce roman.

Pourtant, le film du réalisateur espagnol ressemble étrangement au livre de cette auteure italienne car il refuse la vision idyllique habituelle de l'enfance et repose tout entier sur la perception d'une petite fille, une enfant de la bourgeoisie madrilène à l'époque du franquisme dont il s'attache à reconstituer l'univers mental. L'héroïne de Rosetta Loy est de même une enfant enfermée dans un monde d'adultes,  sur lequel elle porte un regard acéré,  qui s'évade en mêlant le rêve et la réalité. Une enfant traumatisée par le poids de la religion et des interdits, obsédée par la mort. Et, dans les deux oeuvres, la cellule familiale devient le microcosme allégorique d'une société autoritaire et violente , donnant au récit une dimension politique historique.

 

 

Par ailleurs, le climat de «cette courte histoire d'une passion malheureuse» racontant l'amère déchirure d'un amour impossible à étancher rejoint celui des derniers poèmes de Federico Garcìa Lorca. Un poète dont les deux vers de la Gacela de la racine amère (2) qui ont donné son titre au livre sont justement cités en exergue.

Sensualité et désir d'absolu caractérisent en effet l'amour que cette enfant solitaire prise en charge par une domesticité nombreuse ou par les soeurs de son école maternelle, voue à sa gouvernante au corps massif et rassurant. Un amour impossible - auquel ne répond pas  l'indifférence d'Anne Marie - qui  semble aussi  l'expression d'un mal-être existentiel, d'une véritable angoisse métaphysique. Cette soif d'éternité impossible à étancher se manifeste ainsi dans cette peur de la mort, de la disparition et du néant qui émerge à chaque page. Mort si proche de Danilo, le fils de la nourrice à «la tête bouclée» et aux «mains potelées» auquel elle donna un jour à boire et qui soudain, un soir, fut mis dans un cerceuil, disparition inexplicable de Regina, la petite fille  juive entrevue au parc, ou destin incompréhensible et déchirant de Paulinchen, l'héroïne d'un conte lu par sa gouvernante. Un mal-être confinant à un désir d'engloutissement dans «l'océan nocturne» pour ne pas affronter la vacuité des matins , la dure réalité du monde.

 

 

Quant aux constantes références aux contes, à ceux des frères Grimm, mais surtout au Struwwelpeter d'Heinrich Hoffman, qui émaillent ce roman, elles lui donnent une dimension fantastique envoûtante et une puissante résonance. Le loup qui se travestit en agneau, Gaspard qui meurt de faim pour avoir refusé de manger sa soupe, le méchant Friedrich qui arrache les ailes des mouches et fouette les chiens, Konrad suce-pouces qui se voit amputé de ses doigts par un tailleur, et, surtout Paulinchen, brûlée vive dans l'indifférence générale pour avoir désobéi et dont il ne reste plus que deux pantoufles et un petit tas de cendre (3), envahissent ainsi le monde de la petite fille de manière angoissante en modifiant sa perception du réel.

Et ces «mots de feu et de mort», prononcés par une gouvernante allemande et antisémite insensible au sort de cette héroïne de papier, d'une violence inouïe  car  totalement irrationnelle, plongent  l'enfant dans une terreur et une fascination obsessionnelle. Comment comprendre l'incompréhensible et affronter le mal ? Cette histoire d'une petite fille fictive, lointaine, qui se dresse comme une métaphore prémonitoire et marquante de l'holocauste, ne lui permet pas même de «trouver dans la pitié la consolation et la paix».

La porta dell'acqua explore ainsi l'univers mental de l'enfance avec une grande finesse psychologique  tout en lui ajoutant une portée philosophique et historique, et ce court roman est servi par une écriture magnifique, précise, sensuelle et poétique, souvent  à la frontière du fantastique,  qui lui confère une puissance subtile. Je vous en conseille vivement la lecture d'autant plus qu'il est également disponible en collection de poche dans la traduction française de Françoise Brun (4) .

1) C'est l'écriture de La parola ebreo (1997) notamment qui l'y incitera

 

2) Gacela de la raìz amarga

Hay una raíz amarga
y un mundo de mil terrazas.

Ni la mano más pequeña
quiebra la puerta de agua.


Dónde vas? adónde? dónde?
Hay un cielo de mil ventanas
batalla de abejas lívidas?
y hay una raíz amarga.

Amarga.

Duele en la planta del pie,
el interior de la cara
y duele en el tronco fresco
de noche recién cortada.

Amor! Enemigo mío
muerde tu raíz amarga!

(Poème faisant partie du recueil inachevé  El Divàn del Tamarit, écrit de 1931 à 1935 , qui  sera publié de manière posthume)

 

3) Voici donc la terrifiante histoire de Paulinchen dont j'ai trouvé la traduction et emprunté l'illustration à un intéressant article dont je vous donne la référence :

http://blog.slate.fr/chasseur-d-etrange/2009/11/23/faut-il-fesser-struwwelpeter-ou-le-terrorisme-educatif/

 

Paulinchen

Paulette et les allumettes

Struwwelpeter (“Crasse-tignasse“),d'Heinrich Hoffman ,1847

 

Paulette n’est pas allée à l’école

Père et mère ont quitté le foyer

Elle se retrouve seule et souhaite s’amuser

Elle danse donc et sautille comme une folle.

A l’improviste elle tombe nez à nez

Avec une belle boite d’allumettes décorée

« Cela doit être un bon jeu

Je veux m’amuser avec le feu !

Je vais allumer une belle flamme

Comme le fait chaque jour maman ».

Ses petits chats pleurent et supplient

« Tu es trop petite, n’essaye pas 

Laisse-les à leur place ce n’est pas sérieux

Ne prends pas ce risque c’est dangereux !»

L’air de rien Paulette craque l’allumette

Qui brûle vigoureusement.

Reviennent les chats aux sages paroles :

« C’est interdit par le père et la mère ne veut pas,

S’ils l’apprennent tu seras privée de dessert ! »

Quel jeu terrible et idiot !

Voici déjà les flammes qui gagnent ses vêtements

Elles brûlent les collants, la robe et le nœud de ses cheveux

Les sous-vêtements s’enflamment en un éclair.

Les chats crient malheureux

Appellent à l’aide désespérément,

Personne ne vient personne n’entend !

Oh, disgrâce, pauvre maman

Qui n’est pas là pour sauver son enfant !

Le feu la dévore inexorablement […]

A cause de ce jeu stupide,

La fillette brûle avec ses couettes blondes 

Si bien qu’il n’en reste bientôt rien

Seul un petit tas de cendres et ses souliers rouges

La fête tragique est terminée

Les chatons attristés et déçus

Pleurent par rivières et torrents !

 

4) Vous en trouverez un extrait dans le billet publié sur le blog  

La giravolta , qui m'incita moi-même à cette lecture :

http://lagiravolta.unblog.fr/2010/07/05/gute-nacht/

 

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La porta dell'acqua, Rosetta Loy, BUR (biblioteca universale Rizzoli) 2001, 105 p.

 

La--porte-de-l-eau.jpgLa porte de l'eau, Rivages 2002, traduction Françoise Brun,

Biographie et bibliographie de Rosetta Loy :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Rosetta_Loy

 

 

EXTRAITS:

 

I

p.9/10

 

    Lo stridio del tram che accordava la curva apriva una prima fessura sul giorno. Il tram gracidava a lungo, aggonizzante, lo strazio delle rotaie si ripercuoteva tra i vetri chiusi negli scuri laccati di bianco. Poi il tram si perdeva caracollando lungo via Flaminia e la maniglia della finestra bruna e ovale restava come un grosso insetto aggrappato a quella linea verticale di luce.

    Una maniglia che tante volte stringevo in pugno con indifferenza, insignificante maniglia. Ma da lì e solo da lì si dipartiva la materia che non trovava riscontro in nessuna realtà. Potevo solo aspettarla e favorirla in una immobile concentrazione; e solo nel primo barlume solitario del mattino mi veniva accordata, quando lo sbattere di una porta, un voce o dei passi lungo il corridoio, erano dei rumori inafferrabili quasi io vivessi ancora una vita diversa. Una materia tenere e felice che lievitava senza fatica. La vedevo e la sentivo a occhi chiusi in una unica sensazione; asciutta come il mercurio, ma morbida, aderente. Lei immensa, io piccola, lei senza peso. Avanzava verso di me in un crescendo che aveva del sublime. Mi copriva, mi inglobava senza lasciare vuoti e spiragli.

  Era una felicità senza concessioni. Ma un gioco difficile, da non tentare troppo spesso. Bastava un'inezia, sbattere gli occhi, grattarsi, e subito spariva risucchiata nel nulla. Tentavo allora di ricreare la situazione iniziale e stavo immobile, le bachette di ottone del letto che luccicavano appena. Ma la sua appartenanza al piano dell'assoluto, la stessa che mi dava la felicità, non me la concedeva due volte. Era l'occasione perduta, la moglie di Lot che si voltava e diventava una statua di sale.

  (...)

 

p. 68/69

 

(...) Al di sopra del pianoforte lei deve aver visto la porta socchiusa ma lo sguardo non svolge alcuna indagine per individuarmi. Non mi vede e non vuole vedermi. Le sorelle bacciano lo zio e lui carezza sulla testa; quando arriva il momento di salutare Anne Marie, contro ogni regola, le prende la mano trattenendola nella sua. La stringe come avesse catturato un ucellino mentre Anne Marie socchiude fra le palpebre un orlo azzuro di lusinga.
   Italia ha cominciato a sparecchiare e lo zio Nino è andato a sedersi con la mamma e papà in fondo alla sala di pranzo, nell'angolo opposo al mio. L'ombra scivola sul busto piegato in avanti e la mano che regge la sigaretta accompagna il discorso in un lucore di unghie: lo zio Nino va dalla manicure. Il cranio traversato da un leggero strato di capelli, fili lunghi rigirati con sapienza a dare l'illusione di una capigliature, è lindo, carnoso. La mamma gli offre dei cioccolatini ma lui rifiuta con una vaga smorfia di dolore. Solo con lui la mamma usa in quel modo della sua voce, un tono lieve, incredulo, che le affossa due piccoli buchi nelle guance come nella fotografia da ragazza con i chiari vestiti mossi dal vento di mare.

   Anne Marie è tornata per aiutare Italia a rimetere a posto le posate nel buffet. I suoi movimenti sono calmi, minuziosi, e anche se avverte gli occhi dello zio posati con insistenza su di lei non distoglie lo sguardo dal suo lavoro. E così vicina che posso sentirla contare a fior di labbra mentre ripone cucchiai e forchette, ma non riesco ad agganciare il suo sguardo. Né il pesticciare dei miei piedi sul parquet né le dita che insinuo nella fessura tra il piano e la parete riescono ad alterare uno solo dei suoi gesti per arrivare al cassetto in alto dove sono riposte le posate. Il braccio si solleva nudo dalla mezzamanica e tondeggia lento : io non esisto.

   (...)

 

p. 95/96

   (...)

  Se avessi potuto dialogare con quella bambina, stabilire un rapporto, uno qualsiasi, avrei forse potuto dare una ragione al suo destino e trovare nella pietà consolazione e pace. Avrei potuto togliere al fuoco il suo orribile fetore di carne brucciata e dare anche a Paulinchen un posto in quel prato di angioletti morti dove le tombe sono piccole pietre bianche e i bambini vestono camicie di lino. Ma presenza muta lei abitava le nostre giornate come un « intoccabile » , ne sfiorava i gesti e le parole senza penetrarvi mai, la gonna e i capelli segnati dal fuoco come il marchio di una infamante malattia contagiosa.

   Anche ora, seduta sulla panchina vicino a Anne Marie, ogni sentimento si raggelava davanti al libro aperto e la ripetizione non riusciva a diventare il talismano che mi liberasse dalla crudeltà delle parole. Tolta una pelle, sotto non trovavo né comiserazione né misericordia ma sempre la stessa empia, inesorabile logica. E con lo sguardo fisso su Anne Marie aspettavo un cenno, una parola, non sapevo neanche io cosa.

   Si era mai accorta di niente ? Sacerdote tediato dalla ripetizione dei gesti lei si appogigiava contro la panchina e tra le stecche verdi la sua schiena sfuggiva con tutta la forza della carne, niente avvertiva che fosse consapevole di quanto portava nei tratti del corpo, nel viso levato verso il sole. Vuoi che leggiamo ancora ? mi chiedeva aspettando solo che le ridessi il libro per cominciare la storia del leprotto con gli occhiali, e il respiro soddisfatto dell'aria primaverile, degli alberi e della bella giornata, poco si curava di me o di Paulinchen. In quel momento mentre tentavo uno stolto sorriso di superbia, io mi odiavo per la sua indifferenza.

(...)

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