"Murtoriu", de Marcu Biancarelli
Murtoriu (Le glas) est le dernier roman de Marcu Biancarelli. Ecrit en corse, comme tous ses précédents livres (1), il est actuellement en cours de traduction mais celle-ci, un temps annoncée pour 2010, semble avoir pris quelque retard. Mon impatience m'a donc incitée à le lire en corse, ma compréhension de l'italien m'invitant à parier que j'aurais plus à gagner qu'à perdre dans cette aventure...
L'assassinat de l'inoffensif berger corse Mansuetu, dernier représentant de l'ancien monde pour qui sonnera le glas, s'annonce dès les premières pages de ce roman qui nous y conduit de manière inéluctable et rend un bel hommage à ce personnage, symbole d'une société rurale mise à l'agonie par la guerre de 1914, tout en prenant acte de la fin d'un monde dont il faut savoir faire son deuil pour continuer à vivre.
Car Murtoriu n'est pas un livre uniquement tourné vers la violence et la mort, ni vers le passé, il s'inscrit également dans une dynamique. Dynamique de l'histoire d'une île qui n'en finit pas de mourir, enfermée dans ses dérives et ses contradictions, mais aussi de l'histoire individuelle de son héros et narrateur, un libraire solitaire et écrivain raté parvenu à mi-parcours dont la vie sentimentale s'avère un fiasco et qui, cessant de fuir, dresse le bilan nécessaire à la poursuite du voyage. Deux histoires parallèles et imbriquées qui donnent à ce roman son universalité et sa spécificité.
Vingt chapitres "fourre-tout", suivant peu ou prou le fil des saisons, fragmentent de manière assez peu cartésienne ce récit dont la structure spiralaire et digressive semble épouser le cheminement de Marcantonu, libraire atypique incapable de trouver sa place dans une société moderne pervertie par l'argent et l'égoïsme qui asservit les hommes dans un rapport de domination et de soumission. Un poète ayant du mal à accorder ses mondes, partagé entre sa vie présente, la réalité de ses désirs et de ses révoltes, et ses rêveries habitées par les fantômes du passé ou les créations de son imagination.
L'auteur arrive à nous émouvoir en racontant et décrivant avec sobriété et sincérité, au plus près de ses personnages, relevant des détails modestes et significatifs sans rechercher de grands effets. Tout en gardant une langue alerte, il paraît avoir abandonné définitivement le registre de la provocation jubilatoire des premiers temps pour cette simplicité, cette authenticité qui m'avait déjà touchée dans Extrême Méridien. Et si l'on trouve encore quelques résidus de la crudité - parfois violente - du langage utilisé pour aborder le sexe, ils semblent s'intégrer dans une autre logique, soulignant les contradictions du héros, illustrant la vision de la femme d'un personnage qui n'a plus grand chose d'humain ou dépassant largement le désir de choquer et de briser un tabou dans l'aventure avec la cousine Lena, une "scène de cul" émouvante car elle fait suite à l'enfer d'une bataille annonçant la fin d'un monde et traduit ainsi cette énergie du désespoir, cette explosion de vie quand la mort s'annonce.
On retrouve cette variété de ton caractéristique de l'auteur qui nuisait un peu, à mon sens, à l'unité de son précédent recueil de nouvelles mais non à celle de son premier roman. Unité procédant, dans Pegasi 51 , astre virtuel , du souffle d'une logorrhée à la vitalité décapante et émanant en partie, dans Murtoriu, de ce recul et de cette lucidité plus apaisée qui accompagne le cheminement d'un héros dont l'humeur et le moral varient selon les saisons – la météo, certes, mais surtout l'afflux ou la désertion des touristes.
Et cette narration fragmentée qui suit le cours des déplacements géographiques et du voyage intérieur de Marcantonu, y trouvant une première cohérence, se ressoude encore davantage grâce aux nombreux signes prémonitoires et récurrents dont l'auteur a jalonné son texte pour qu'ils se fassent écho. Ainsi le meurtre final de Mansuetu est-il annoncé tout au long du roman et la cloche des morts qui sonnera pour lui a-t-elle déjà retenti dans l'enfer de Verdun dont les images assaillent le héros (2), présageant la vision infernale d'un monde rural dévasté dont l'avant-dernier chapitre nous peint un tableau digne de Jérôme Bosch ou de Brueghel l'ancien – reprenant non seulement le tintement du glas mais aussi une structure descriptive avec la répétition quasi incantatoire de «vidi».
Bien que le sujet soit grave et tienne de la tragédie, Marcu Biancarelli n'en abandonne pas pour autant la dérision. Beaucoup de passages font rire. Ainsi, paradoxalement, le premier épisode qui met en scène deux malfrats, sorte de pieds nickelés dont on attend à chaque instant le dérapage qui, justement, ne vient pas - et que l'auteur s'ingéniera à retarder nous faisant basculer progressivement du comique dans l'horreur -, un couple évoquant celui de Fargo, le film des frères Coen. La satire des idéologies menant toutes à des dérives totalitaires s'incarne malicieusement dans un débat avec un "possédé" prénommé Luciferu, envoyant un clin d'oeil à Dostoïevski, tandis que le dialogue avec la statue d'un Bouddha, entamé par un héros déjà bien imbibé qui cherche à noyer également son désespoir dans le sexe, s'avère savoureux. Et la liste des femmes séduites, inscrites sur ce fameux carnet par Marcantonu, anti-Don Juan pas même capable d'atteindre les "mille e tre", est un petit chef-d'oeuvre d'auto-dérision...
Quant à la langue corse, plus concrète et imagée encore que l'italien, presque terre à terre - et pourtant si apte à suggérer avec finesse et sensibilité les sentiments du héros et à rendre compte de ses réflexions - elle m'a semblé également d'une syntaxe plus familière, tenant sans doute à son oralité première, sa "créolisation"(3) renforçant encore cet aspect. Mais il m'est bien diffile de distinguer ce qui relève de la langue-même ou du style de Biancarelli...
3) cf l'article de Marcel Jureczek : http://avali.over-blog.net/article-murtoriu-45868295.html
Le choc des mondes
Dans ce roman, des mondes antinomiques s'affrontent et se côtoient : enfer et paradis.
Le monde de «l'âge du pain»(4) dont Mansuetu reste l'ultime survivant et celui du Veau d'or, la douceur angélique d'un agneau innocent et la violence barbare des malfrats d'aujourd'hui. Mais aussi l'enfer de la guerre, celle de 1914 qui a rendu exsangues les campagnes de Corse, les condamnant à terme (comme celles de nombreuses zones montagneuses isolées dans le pays de Giono où l'on pouvait croiser encore, il n 'y a pas si longtemps, quelques bergers ou paysans proches de Mansuetu). Vision infernale de cette boucherie inutile dans le très beau passage consacré à la bataille de Côte du Poivre, côtoyant la vision paradisiaque d'une simple partie de pêche au Vurdatu au sein d'une nature imposante accueillant l'homme dans son mystère sacré. La belle page sur la mort du soldat Paganelli éclaire la violence de la guerre, tandis qu'au terme de cette journée idyllique plane la menace du désastre qui va suivre.
Et c'est cette tension constante entre la beauté et l'horreur, entre la vie et la mort, entre le passé et le présent, la présence et l'absence, le rêve et la réalité, que j'ai trouvée la plus bouleversante. Une tension qui traverse tout le roman et est même reprise dans le monde animal de manière symbolique avec la triste aventure de Willie, chien enivré par le printemps qui sera victime d'une violence routière gratuite, ou dans une battue aux sangliers - occupation devenue pour beaucoup un simulacre guerrier - avec le moment de grâce de la rencontre avec un mouflon (5). Frottement du monde des vivants et de celui des morts, par le biais des objets et des lieux dont on a hérité. Par les fantômes aussi, ceux qui peuplent les rêves ou les rêveries : Mansuetu peut-être, ou ce mystérieux et discret personnage de Diana, seule femme à disposer à la fois d'un prénom et d'un regard. Tension entre la vie et la mort, notamment dans le magnifique passage sur la mort du père.
4) Selon la formule de Pasolini (référence citée par l'auteur)
Le double bilan de Marcantonu
Si Mansuetu, l'«ultime témoin d'une vieille mémoire» est attachant par sa simplicité et son innocence, il n'en reste pas moins plus un type, un symbole, qu'un individu et le personnage le plus intéressant reste de loin celui de Marcantonu, le héros et narrateur. Il est le seul en effet a être doté de complexité humaine et incarne, de plus, la littérature à double titre. Libraire et poète à ses heures, ce dernier semble avoir raté sa vie tant sur le plan littéraire que sentimental...
Dès les premières lignes, ce héros nous entraîne aux Sarcona, le village familial blotti dans une forêt de pins en altitude où il se réfugie chaque été, se présentant d'emblée comme un être solitaire et contradictoire, comme un libraire et un écrivain foireux, avant de nous faire pénétrer dans la maison héritée de son père dont un portrait trône sur la cheminée, accompagné de celui de son ancêtre qui fut soldat à Verdun et dont il porte le prénom. C'est en tant qu'écrivain que Marcantonu s'interroge dans ce premier chapitre introductif, se demandant qui il est et d'où il écrit.
Et ce livre s'affirmera bien comme une quête identitaire, analysant le rapport du héros à la langue corse et à l'écriture au travers du lien l'unissant au «Vieux» et abordant l'histoire de son île par le biais de «l'autre Marcantonu». Une quête qui s'accompagne d'un examen peu complaisant de la vie amoureuse d'un homme esseulé arrivé à la quarantaine qui a parfois du mal à supporter la solitude à laquelle l'a conduit son désir d'indépendance et de tranquillité (le roman consacre ainsi de nombreuses pages aux rapports du héros avec les femmes).
Double bilan nécessaire pour franchir une nouvelle étape, tant dans sa vie d'homme que d'écrivain.
Le triomphe de la vie?
Ce livre s'inscrit dans une dynamique de combat et de rupture qui ne signifie pas pour autant l'oubli du passé, et l'on pourrait parler plus d'une dynamique de superposition que de succession. Le passé doit être assumé et non pas oublié si l'on veut avancer et s'en libérer, les peuples, comme les hommes, devant prendre acte de l'écroulement d'un monde afin d'être en mesure d'en bâtir un autre. L'ancien monde ne peut en effet continuer à vivre au sein du nouveau, sauf à la manière illusoire d'une réserve d'Indiens Shoshones.
Le parcours individuel du héros, imbriqué dans l'aventure collective, illustre cette même dynamique vitale.
De retour au pays, le jeune Marcantonu expérimente pour la première fois la violence du choc de deux mondes et se retrouve comme un étranger dans un univers hostile dont il ne comprend pas la langue. Il lutte alors pour la conquérir et se faire respecter. Ce combat se prolonge dans l'écriture avec les encouragements de son père, et l'achèvement de son premier livre écrit en corse, coïncidant avec le décès de ce dernier, résonne comme «l'ultime lettre d'amour envoyée au Vieux». Après la mort de son père, notre héros doute de sa mission d' écrivain en un lieu «de décadence morale et de fiasco social» où on ne reconnaît aucune utilité à cette fonction. C'est pourtant l'écriture qui semble lui permettre de vivre tout en transmettant un héritage (le fusil de son père ayant peu de chances d'être légué à «ses enfants improbables»). Délivré de ses fantômes, il s'exile en Espagne, après avoir vendu sa maison de famille, pour construire une nouvelle vie.
Et l'on se remémore les dernières et magnifiques paroles du "Vieux" à l'agonie, se battant jusqu'au bout, réclamant encore de quoi écrire «comme un acte final pour triompher de la mort». Triomphe éphémère de ceux qui vont mourir...
(Je dois avouer que le sens de certains mots m'a échappé et que, parfois, certaines phrases me sont restées un peu obscures. Aussi ai-je pu commettre quelques erreurs de compréhension. Néanmoins, je suis totalement entrée dans ce roman dont la lecture m'est assez rapidement devenue facile et il m'a beaucoup touchée. Je le relirai dans sa traduction française dès qu'elle sera disponible et je viendrai vous en reparler - et rectifier mon interprétation si nécessaire... )
Réédité le 21/09/12 : Murtoriu est sorti le 5 septembre dans sa traduction française, sa lecture m'a fait remanier légèrement cet article et, surtout, permis de proposer des extraits en français : "Murtoriu" (Le glas), de Marc Biancarelli
Murtoriu, Marcu Biancarelli, Albiana 2009, 234 p.
A propos de l'auteur :
http://marcubiancarelli.blogspot.com/2010/10/propos-de-lauteur.html
Pour prolonger :
Voir la critique , accompagnée de beaux extraits en corse que N. Paganelli s'est donné la peine de traduire :
http://pourunelitteraturecorse.blogspot.com/2010/03/norbert-paganelli-lisant-murtoriu.html
EXTRAITS :
ch 7, p 82
(...)
Eramu à u cori di u dopu meziornu. Ghjustu un picculu nivulu passaia in u celi pà abbughjà un pocu u soli. Pò sparia com'iddu era vinutu , manghjatu da l'immensità turchina, cennu di ventu pà i ghjorna à vena, u soli vultaia cussi subranu, cussi supiriori, ma ci vulia lacà di tutta manera, è ghjà si mittia à tramuntà. L'ùltimi raghja risistiani è viniani à pichjà contru à a furturezza, dendu à i pietri un chjarori russu d'unu splendori assulutu. Mi paria ch'eramu à l'ora a più culma di tranquillità, di sulennità, è pò dassi ch'era vera, ch'era cussi. Avariu vulsutu chi 'ssa paci fussi sempri stata in a me vita, ch'idda duressi per sempri. Avariu vulsutu chi st'armunia si mantinissi, ch'e' a risintissi dinò avali, pinsendu a quiddu ghjornu, ch'idda mi fussi stata un rimediu à a vita par ciò ch'avia da suvità. È chi avia da suvità ? L'infernu. A sintiu. Calcosa a mi dicia.
(...)
ch.11, p.125
(...)
Un m'accadi mai di truvammi in campana senza pinsà à u Vechju. Hè quì, mentri 'ssi momenta di sùlitudina assoluta – torra - , ghje' solu contru a l'elementi superiori, ch'e' sentu u più a so prisenza. 'Ssu cantonu indu' eru postu à pusà, ci avia pusatu nanzi à mè, è tutti i posti ch' e' viniu di varcà, i m'avia musciati iddu, è tutti i ricummandazioni ch' e' viniu di fà, i m'avia fatti in quiddi tempi. Ancu 'ssu fucili ch'e' t'aviu in manu, mi paria ch'iddu m'era a so làscita a più priziosa. Ma nò, a casa in i Sarcona m'era più priziosa, si n'era andatu è m'avia lacatu un tettu annantu à u capu, è a libraria valia forsa di più chè stu fucili. Avia sgubbatu è m'avia assicuratu un locu pà stintà u me pani à u me turnu. Puri 'ssu fucili, parchi mi paria cussì una riditera suprana? Parchi u sintiu cussì vicinu è liatu à mè, è liatu à u me distinu? È 'ssu locu, quantu passi d'òmini armati avia suppurtatu dipoli sèculi è sèculi ? Nanzi à u Vechju, c'era statu u so vechju ad iddu, 'ssu missiavu ch'ùn aviu mai cunnisciutu ma di qualissu purtaiu u nomu. Iddu dinò s'era postu à pusà chi par chjuda a caccia mossa. È forsa chì babbu avia pensatu ad iddu, esattamenti à u stessu locu è in i stessi cundizioni, è ch'iddu s'era intesu liatu ad iddu cù a stessa manera, u fucili annantu à i vinochja, è u sguardu persu. Aghju pinsatu à u Vechju, aspittendu u signari quidda mani, è aghju pinsatu à u vechju Marcantonu, quandu ùn era ancu un vechju. 'Ssu fucili contru à mè, aghju pinsatu ad iddi, è à i so sacrifizii, à i so guerri. À stu filu trà no tutti. Aghju pensatu quantu po' erani stati duri. È quantu n'aviani inguttitu par essa cussì. 'Ssu fucili, qui, in i me mani, ùn credu micca ch'e' l'avissi purtatu par crèdami più forti è più omu, ùn credu micca à 'ssi cunnarii di virilità, è di ghjocu parsunali chì l'omu si faci quandu hè armatu. 'Ssu fucili era una ricunniscenza sinceri, à ciò ch'erani stati, iddi ch'ùn aviani mai ghjucatu,cù un fucili in manu. A me prisenza, qui, nant' à 'ssu cantonu duru chì mi frustaia u culu, ùn era altru chè un umaghju, una tistimunianza di fidelità, è di signara è di à caccia mossa mi n'infuttiu pocu assà. À me prisenza era solu un attu di rispettu è d'amori, com'è quand' e' scriviu un libru in i tempa era dinò par invià un missaghju d'amori à u Vechju.
(...)
ch.15, p. 175/176
(...)
Iè, l'anni fatta , a "Côte du Poivre" hè cascata, 15 di dicembri 1916, è u sargenti sceffu Cianfarani risica infini un' uchjata à u poghju, da dund' iddi sò cuddati fra mezu à i barbelés è i tiri di mitragliosa. I cintunari di corpi coprini u tarrenu trà i dui pusizioni numici. I cintunari d'òmini abbassati, truncati, smizati. È vidi ancu u cùrrulu di i brancardiers, vidi u fumu, i foca lacati da i splusioni, è i ferti chì si strascinani, è i tafoni lacati da obbusi, è i truppi di rinforzu chì coddani in fila com'è insetti pà righjunghja a crista . Vidi l'infernu ch'iddu hà varcatu. Vidi i morti buliati l'uni a l'altri, in u fiumu di sangu. Vidi s'infernu è ci hè passatu à mezu. Ed hè vivu.
A Naùsea. L'incumpriinsioni. U sintimu d'inghjustizia. U spaventu. A culpabilità. Hè vivu. Quantu viti hà presu in 'ssa ghjurnata ? Quantu cumpagni chì li sò cascati in ghjiru? Quantu orrori ch'iddu hà vistu ? Quantu crimini commissi ? Hè vivu. Da 'ssa costa qui sin'à ghjunghja in tarra soia, quantu murtoria chi partini dighjà ? Quantu famiddi tocchi è afflitti quà è ddà ? È iddu, vivu, insignificanti ma vivu, è fieru suldatu è sargenti sceffu, è tistimoniu di u fraiu, vivu, ma par avali, ghjòculu di u distinu, arimani pastori, oghji acciaccadori frettu, chì hà francatu l'infernu è chì ni porta u vistitu. È ghjà li si pari di senta, in paesu, chjuccà i campani à murtoriu, l'aienti chì cascani d'addisperu, chì s'allampani in u vangaronu, i ziteddi senza prutizzioni. Senti u murtoriu chì chjocca è chì stantarighja i campagni, è vidi sti ciandarmi ch'affaccani, cù 'ss'altri murtorii in manu, di carta turchina, tutti 'ssi murtoria senza fini, è chì dicini i macedda di Dieuze, chì dicini i stirminia di l'Eparges, è chì dicini u scempiu di l'Argonne, è chì contani i tumberi di a Costa 304 è di u Mort-Homme, è u scumpientu d'oghji, è tutti 'ssi novi purtati in paesu luntanu, è chì li parlani, chì l'annunciani a fini di tuttu, a fini d'un mondu, ed hè vivu, mentri chì tutti l'altri, tutti quissi ch'iddu cunniscia, tutti quissi chì cantaiani cun iddu in u trenu di a partenza, tutti sò mori, Paganelli, mortu, u sargenti Colombani, mortu, u siminaristu di Bastia, cascatu in Argonne, tutti sò morti, o sò in infernu, è sò pà mora. A fini, a fini hè qui. È chjoccani i murtoria in i tarri culandi ddà.
Per pidèlavi spiegà
Ùn vale carte nè penne
Lu sangue curria à fiumi
Corsi è Alumani insieme
(...)