Le grand procès des animaux, de Jean-Luc Porquet, illustré par Jacek Wozniak

Publié le par Emmanuelle Caminade

Le grand procès des animaux, de Jean-Luc Porquet, illustré par Jacek Wozniak

Fondées en 2019, Les toutes jeunes éditions du Faubourg publient peu mais bien. S'attachant à une multiplicité de genres permettant de "dire le monde dans lequel nous vivons", elles se limitent ainsi à une dizaine de livres par an se répartissant dans cinq collections (1) - auxquelles s'ajoute une "hors collection" destinée aux livres exceptionnels comme celui qui sort aujourd'hui.

 

Outre dans les œuvres à vocation zoologique, les animaux sont présents dans la littérature depuis les origines. Ils permettent en effet de caricaturer l'homme, de critiquer les égarements et les injustices de la société mais aussi d'aborder de manière plus philosophique ou même religieuse la place le l'homme dans la création.

Copieusement et délicieusement illustré, Le grand procès des animaux est une instructive et malicieuse fable animalière satirique de tonalité très théâtrale que l'on doit à deux compères du Canard enchaîné : le journaliste Jean-Luc Porquet et le dessinateur Jacek Wozniak. Un merveilleux livre de facture artisanale (au meilleur sens du terme) dont on goûte également avec bonheur l'épaisseur et la douceur du papier ivoire, la composition graphique particulièrement soignée et la belle reliure rouge cartonnée.

1) Littérature, Document, B.D., Essai, Vie pratique

 

 

Dans le préambule, l'auteur pose le cadre d'un propos se résumant essentiellement à un vaste plaidoyer pour le maintien de la biodiversité. Et qui, n'en doutons pas, s'avère avant tout "le procès animal de la domination humaine", à l'instar de cette fable médiévale orientale des Epîtres des Frères en pureté mettant en accusation l'assujettissement par l'homme des bestiaux.(2)

 

Pour parer aux critiques répétées des écologistes sur la gestion calamiteuse de la planète, Trochu, le conseiller du Président, propose à ce dernier de tenir un grand procès d'assises retransmis en direct à la télévision qui donnerait la parole aux animaux et permettrait au peuple de trancher démocratiquement la question. Les animaux en voie de disparition sélectionnés viendraient y plaider chacun leur défense : expliquer pourquoi leur espèce mérite plus qu'une autre d'être préservée. Il semblerait en effet entendu qu'on ne peut sauver tout le monde.

Le Président adhère avec enthousiasme à cette idée qu'il estime géniale et, devant le juge Notebart présidant la séance, vont ainsi défiler sept animaux représentant diverses familles et ayant pris soin de peaufiner leur plaidoirie.

Mais le procès se révèle riche en coups de théâtre. Deux intrus réussissent à se glisser dans la liste des espèces à comparaître élaborée par les experts ministériels, tandis que de nombreux autres animaux envahiront la salle à la fin de l'audience, parvenant à se faire entendre dans une joyeuse anarchie. Et ils influeront sans doute sur notre participation au jugement final en dénonçant la mascarade de ce procès. Car «sauver une poignée d'animaux et laisser disparaître les autres n'a pas grand sens»...

2)https://etsesbetes.hypotheses.org/le-proces-animal-de-la-domination-humaine-resume-dune-fable-des-freres-en-purete-ikhwan-al-%E1%B9%A3afa.

 

Dans d'alertes dialogues, Jean-Luc Porquet manie à plaisir l'insolence et l'ironie, usant d'une langue très précise et souvent spécialisée, riche de termes rares mais néanmoins évocateurs. Puisant dans une abondante bibliographie, il nous délivre ainsi avec humour des connaissances très pointues sur les animaux concernés tout en nous incitant à une réflexion globale sur les enjeux écologiques auxquels ce monde malmené par les humains est confronté.

Les sept comparutions sont ponctuées d'échanges (en italique) entre Trochu et le juge qui en commentent avec malice le déroulement. Et elles sont accompagnées et entrecoupées des nombreux petits dessins pleins de vivacité de Jacek Wozniak, d'abord en noir et blanc puis, apothéose finale, en couleur.

 

On admire les grandes vertus pédagogiques de ce livre, la légèreté rafraîchissante de ce mélange instructif et comique. Et on apprécie la magique et facétieuse simplicité des dessins qui l'illustrent, comme les qualités théâtrales manifestes d'un texte qui pourrait aisément être monté sur scène, ou même ponctuellement donner lieu à de petits sketches - notamment en milieu scolaire.

 

Un petit livre éducatif et récréatif de fière allure, s'adressant tant aux adultes qu'aux jeunes, qui me semble une excellente idée de cadeau pour les fêtes à venir.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le grand procès des animaux, Jean-Luc Porquet, illustré par Jacek Wozniak, Editions du Faubourg, 1er octobre 2021, 162 p.

A propos de l'auteur et de l'illustrateur :

 

Voir ICI et cliquer sur "télécharger le communiqué de presse" (en caractères gris clair)

 

EXTRAITS :

 

Publié dans Texte-image, Fiction, Théâtre

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T
Ca me disait quelque chose... Effectivement, il a dû y avoir pré-publication de tout ou partie des textes dans le Canard, à l'époque!<br /> (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
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