"Le chant des marées" de Watson Charles

Publié le par Emmanuelle Caminade

"Le chant des marées" de Watson Charles

Ce court recueil de Watson Charles décline avec fluidité et simplicité une suite de poèmes aux accents lyriques à la fois concrets, charnels et oniriques, dans lesquels s'épanche le cœur du poète : un cœur battant «dans le chant du monde», dans un monde de souffrance et de misère, de désolation, mais aussi de beauté.

La mer des Caraïbes, bordant son île natale endeuillée aux villes mutilées par le séisme meurtrier de 2010, y est omniprésente. Jusque dans le rythme-même de ces poèmes dont bien des mots se font écho et qui épousent le mouvement continu de son ressac. Et Le chant des marées s'avère à la fois un cri de douleur et un chant d'amour nous berçant doucement de son balancement éternel dans une complexe harmonie entre ombre et soleil :

 

Je voudrais parler ta langue, tes chansons

Pour dire à jamais que je t'aime

Je voudrais te dire tant de choses

Mais le cri du poète est une rivière qui pleure

 

«Toute écriture est une parole qui chemine», le poète marchant, chargé de la poussière du temps. Et ces soixante-quatorze courts poèmes en vers libres - le plus souvent - ou en prose expriment le mal-être d'un poète exilé cherchant inlassablement sa voie. Un poète dont l'errance solitaire rejoint celle de toute une humanité jetée comme lui sur une terre douce et cruelle, aspirant sans cesse à un ailleurs :

Au cœur du monde

Nous sommes des pèlerins solitaires

Abandonnés à nos ombres

Avec mélancolie, ce poète exilé qui porte la mer en soi s'adresse, écrit à une femme aimée dont la présence corporelle, terrestre, semble nourrir ses rêves et stimuler son imaginaire. Une femme, une terre rêvée se confondant aussi avec cette mer charriant des mémoires douloureuses mais ouvrant son horizon sur un au-delà. Une femme-muse dont «la gorge» le guiderait «telle une étoile polaire», et dont le corps enfanterait une poésie le faisant renaître de ses cendres :

Ainsi, je n'aurai plus peur que mes cendres soient sur tes yeux, et je chanterai des chants nouveaux, et les fleurs bâtiront ton empire, les enfants diront de toi les promesses ...

Le chant des marées, recueil émouvant creusant à la source de la poésie de l'auteur et s'interrogeant sur la place et le rôle du poète, nous enserre ainsi comme une île dans le cycle mystérieux de la mer à la mer, dans la boucle infinie de la mort à la vie. Et ce va-et-vient entre le poète et sa récipiendaire, sorte de parole se réfléchissant en miroir, apparaît alors comme le lien, le cordon reliant le poète à son double, à son ombre :

T'ai-je dit

Que nos corps se ressemblent

Même à l'inverse du miroir


 

 

 

 

 

 

 

Le chant des marées, Watson Charles, préface de Arnaud Delcorte, éditions unicité, 2ème trimestre 2018, 90 p.
A propos de l'auteur :

Né en Haïti, Jean-Watson Charles, poète et écrivain, a fait des études de Lettres Modernes. Il est l'un des coordonnateurs de la revue Legs et Littérature. Il a publié trois recueils de poésie et participé à plusieurs revues et ouvrages collectifs.

Publié dans Poésie

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