"L'incontro" de Michela Murgia

Publié le par Emmanuelle Caminade

"L'incontro" de Michela Murgia

L'incontro (en français "la rencontre" ou "la réunion"), très court roman de Michela Murgia, est issu d'un récit du même titre publié l'année précédente en annexe du Corriere della Serra. Une première version qui retraçait un événement local illustrant des dissensions au sein d'une communauté villageoise sarde, les rivalités de deux paroisses catholiques s'y étant affirmées de manière très théâtrale au travers de l'instauration de deux processions rivales lors de "l'Incontro di Pasqua" (1). (Au cours de cet antique rite de piété populaire encore présent en Italie du Sud et en Sardaigne, les deux cortèges d'une procession pascale portant, l'un la statue de Jésus et l'autre celle de la Madone, se rejoignent habituellement sur la place centrale, Marie (2) rencontrant alors son fils, le Christ ressuscité, et abandonnant son voile de deuil.)

Ce récit avait tant séduit les lecteurs que son éditeur convainquit l'auteure de l'étoffer pour en faire un livre, cette dernière transformant alors son texte en un roman de formation d'une extrême brièveté, au risque de rendre les apprentissages resserrés de son héros trop démonstratifs. Et sans doute la genèse un peu rapide de cette fiction de commande explique-t-elle aussi ce manque d'harmonie entre la première partie du livre et la seconde, la narration nous faisant curieusement passer de l'enchantement d'un récit d'enfance poétique et ironique proche de ceux de Pagnol, au comique un peu lourd d'une guerre villageoise à la Clochemerle (3), l'évocation des coutumes sardes virant par ailleurs sur la fin à une description quasi ethnographique - et assez pesante - de la double procession.

1) https://it.wikipedia.org/wiki/Incontro_di_Pasqua

2) Et non Marie-Madeleine comme dans les récits évangéliques

3) Le célèbre roman de Gabriel Chevalier publié en 1934 qui fut traduit dans de nombreuses langues

 

Le roman se déroule sur deux ans à Crabas (dans lequel on reconnaîtra aisément Cabras (4), le village natal de l'auteure) : un gros bourg comptant essentiellement des agriculteurs et des pêcheurs, soudé par ses traditions et ses rites religieux. Maurizio, garçon d'une dizaine d'années, y passe ses étés chez ses grands-parents, puis s'y installe pour l'année scolaire sur l'intervention de son grand-père, son père ayant trouvé du travail sur le continent.

La première partie, comme l'annonce le prologue, est celle d'une nouvelle naissance, de la rencontre de l'autre, du passage du "je" au "nous" scellant un sentiment d'appartenance à une communauté bien plus forte que celle des liens du sang. Lors de cet été 1985 au temps semblant suspendu s'ouvre ainsi un autre monde pour cet enfant unique qu'est le héros. Il y découvre en effet l'amitié, s'initiant à la chasse avec ses compagnons Giulio et Franco Spanu, partageant leurs jeux et leurs bêtises, mais aussi la liberté de courir dans le village et la campagne loin de la surveillance de ses parents, et tout un imaginaire merveilleux, toute une culture orale de contes ou de récits mythifiés qui se colportent à la veillée, quand les habitants sortent leur chaise pour prendre le frais.

Le sixième chapitre s'ouvrant sur l'été 1986 entame au contraire une deuxième partie de divisions et d'affrontements entre "nous" et "eux", dans laquelle prend fin pour Maurizio cette éternité estivale merveilleuse. Il vit désormais à Crabas au rythme des saisons et des fêtes patronales et liturgiques, voyant ce monde se fissurer suite à la création d'une nouvelle paroisse venue semer le trouble dans le village et scinder la communauté en deux. Un affrontement des adultes, déjà anticipé par celui de son grand-père et de son père, et qui n'épargnera pas le trio amical des enfants. Ce dernier se réduit en effet peu à peu à un duo, Franco Spanu étant passé à l'ennemi en devenant enfant de choeur dans l'autre paroisse. Le nouveau prêtre Don Gigi ne rechignant à aucune provocation, l'affrontement trouvera paradoxalement son apogée lors de la procession de l'Incontro, cette célébration de la foi en la résurrection, en la vie éternelle. Deux processions avec deux statues de Jésus et de la Madone ébranlent ainsi leurs quatre cortèges en direction de la place de la Mairie ! Mais grâce aux trois amis retrouvant leur connivence, l'affrontement final n'aura pas lieu et la réunion des saintes statues préfigurera celle des deux paroisses. Une fin bien édifiante d'une auteure qui, après avoir exalté le paradis perdu d'une enfance sarde à Crabas, semble affirmer sa foi en la résurrection de cette enfance, en son éternité.

4) http://www.sardegnaturismo.it/fr/punto-di-interesse/cabras

 

L'incontro est paru dans sa version française sous le titre surprenant de La guerre des saints qui privilégie les dissensions communautaires de la seconde partie au mépris de la rencontre et de la fusion du "je" et du "nous" dans la première, comme de la tonalité finale de réconciliation faisant de ce "nous" communautaire le grand triomphateur. Certes on sait que le titre appartient à l'éditeur - qui sans doute préférait quelque chose de plus accrocheur - mais on regrette que la traductrice n'ait pas défendu un titre plus conforme à l'esprit du livre.

 

 

 

 

 

 

 

 

L'incontro, Michela Murgia, Enaudi 2012 et 2014, 98 p.

 

 

 

 

La guerre des saints, Michela Murgia, traduit de l'italien par Nathalie Bauer, Seuil 2013, Points 2014

A propos de l'auteure:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Michela_Murgia

EXTRAIT :

Prologo

p.7/8

Abbiamo giocato nella stessa strada.

E così che si diventa davvero fratelli a Crabas, che venire dalla stessa madre non ha mai reso parenti neanche i gatti. Benedetto sempre sia il rispetto per la carne della nostra carne, ma la strrada e l'averci giocato insieme offre ai bambini una più alta dimensione di parentela, che nemmeno da adulti sarà mai dimenticata. Non c'è niente di intuitivo nella generazione : il sangue segue percorsi torbidi e per questo nessun ragazzino crede davvero che basti convidere il cognome di un padre per rivendicarsi seme comune.
Come si è nati è una di quelle cose che bisogna farsi spiegare più volte, e dev'essere per questo che dopo, per tutta la loro vita, molti adulti cercano di liberarsi dalle parentele casuali affermandone altre decise da sé con puri atti di volontà. Testimoni di matrimonio vengono assunti come fratelli . Padrini e madrine dei propri figli vengono eletti a parenti d'occasione. Compari e comari nascono all'inizio di ogni estate durante la notte di San Giovani, quando l'intera isola scintilla dei fuoci da saltare insieme mano nella mano per conquistare una fratellanza che non sia in debito con alcuna madre.

Alberi genealogici spuntano di continuo dal fuoco, dal vino, dalla colpa e dall'acqua santa. Eppure neanche quei rituali millenari vincolano la memoria del cuore quanto il gioco dei bambini celebrato insieme per strada.

Non c'è stato di famiglia che possa vincere la battaglia contro i pomeriggi di sole estivo in cui si è riusciti a infilare il primo pallone in porta tra le grida dei compagni, o liberato insieme una libellula gigante entrata per sbaglio in un retino per farfalle. Cosa può il richiamo del proprio sangue contro la consapevolezza di essere stati la causa involontaria del primo sangue sporgato dal ginocchio di un amico ? Nessun Natale trascorso in famiglia compete dentro alll'anima con il vento in faccia di certe discese in bicicletta senza mani, col riflesso della treccia scura che dondola sulla schiena della bambina più bella o con la rovente vergogna di un giornale per grandi trovato tra gli sterpi e sfogliato insieme in silenzio, attoniti. In quelle verginità perdute c'è il segreto patto dei veri complici, il potere normativo delle prime consapevolezze communi, contro le quali non esiste famiglia che possa pretendere maggiori diritti.
Così li senti davvero certi adulti nei bar, uomini fatti e disf atti mille volte dalla vita, vantarsi ancora tra di loro dei legami nella strada dell'infanzia – abbiamo fatto il gioco insieme – come di un parto condiviso.

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