La pozza del Felice / Jours à Leontica, de Fabio Andina

Publié le par Emmanuelle Caminade

 

La pozza del Felice, sorti en 2018 et ayant rencontré un grand succès public et critique (1) est désormais disponible en version française dans une traduction d'Anita Rochedy sous le titre Jours à Leontica .

Avec cette fiction en partie autobiographique nous racontant une histoire de montagne et de montagnards et tenant tant du roman d'initiation à dimension philosophique que du documentaire ethnographique, l'écrivain et poète tessinois Fabio Andina s'inscrit dans le sillage de Paolo Cognetti et de son célèbre roman Le Otto montagne / Les huit montagnes.

 

L'histoire se déroule au cœur de la vallée du Blenio dans les Alpes tessinoise (en Suisse italienne), et dans une nature idyllique malgré sa rudesse. Et si les nombreux personnages sont fictifs, son héros Le Felice a bien existé, tandis que le narrateur présente de nombreux points communs avec l'auteur. Quant aux lieux décrits, à commencer par ce "trou d'eau" évoqué dans le titre, ces torrents, ces bois et ces sommets nommés surplombant le village de Leontica - dans lequel l'auteur comme le narrateur passèrent enfants leurs vacances (2) -, ils sont bien réels.

1) Ce roman ayant reçu le prix Terra Nova de la fondation Schiller 2019 et le prix Gambrius "Giuseppe Mazotti" pour la littérature de montagne, a ainsi déjà été traduit en allemand (Tage mit Felice) et en français, la version espagnole devant sortir en 2022

2) L'auteur vécut même trois ans adulte à Leontica dans le chalet de vacances de ses parents, passant beaucoup de temps avec le vieux Felice, qu'ils prennent ensemble leurs repas, aillent au bar ou marchent en montagne

 

 

Proche de la cinquantaine, un narrateur au chômage non nommé, fuyant le chaos de la ville, s'est réfugié à Leontica dans le chalet de vacances de ses parents jouxtant la baita du Felice qui, à quatre-vingt-dix ans, grimpe toujours alertement dans la montagne chaque matin avant même le lever du soleil pour aller, selon la légende du village, se baigner et se laver dans un mystérieux trou d'eau, "nu comme un ver" quelle que soit la saison. On raconte même qu'en hiver il doit briser la glace et que s'il n'y retrouve plus sa savonnette, c'est que les renards l'auront mangée.

Pendant quelques jours de fin novembre, le narrateur va suivre ce vieux sage taiseux, presque mystique, "pour vivre un peu comme lui". Il va l'accompagner du matin au soir dans toutes ses occupations solitaires comme dans ses multiples rencontres, nous faisant ainsi appréhender sa vie dans cette communauté villageoise du Val Blenio.

Une vie proche de la nature, scandée de rituels ancestraux immuables, d'aides mutuelles et d'échanges, dans un village montagnard à peine touché par la modernité vivant toujours au rythme du siècle dernier. Une vie répétitive et frugale mais unique et sereine, qui recèle néanmoins quelques mystères ...

 

La pozza (le trou d'eau) del Felice

Au-delà de la légende villageoise, «la pozza» apparait d'abord au narrateur arrivé dans l'obscurité à 1400 mètres d'altitude comme "une tache couleur de plomb entre les roches noires". Tache qui se révèlera être "un trou circulaire de deux mètres de rayon dans une roche granitique", dont l'eau gelée arrive de "nulle part", d'un torrent murmurant "quelque chose d'indéchiffrable", et semble retourner au néant.

L'immersion des deux hommes y prend une dimension quasi spirituelle. C'est une manière de perdre toute notion du temps et de faire le vide dans sa tête, de descendre au plus profond de soi. Une sorte d'immersion dans le cycle de l'eau et de la vie qui abolit les frontières spatiales et temporelles de notre monde tangible :

«immergersi nella sua pozza è un pò come viaggare lungo i fiumi e attraverso laghi e mari e oceani, e anche nella pioggia. Ed anche come sentirsi unito a qualcuno immerso nell'acqua in giro per il mondo» / "s'immerger dans son trou d'eau c'est un peu comme voyager le long des fleuves, des mers et des océans, et aussi dans la pluie. C'est comme se sentir uni à quelqu'un dans l'eau à travers le monde" (3).

Une immersion faisant non seulement entrer en communion avec d'autres humains vivant dans d'autres lieux mais avec les morts :

«quest'acqua è la stessa con la quale sua mamma faceva bollire le patate» / "cette eau est la même que celle avec laquelle sa mère faisait bouillir les pommes de terre".

3) Je donne dans cet article ma traduction littérale du texte qui n'est pas la traduction littéraire de la version française du livre (sauf dans la dernière partie intitulée  '"Du style et de sa traduction")

Chronique du temps qui passe à Leontica

Sorte de journal dans lequel le narrateur consigne méticuleusement ses observations  sur les lieux, les objets, les vêtements et la nourriture, les occupations, gestes et paroles quotidiens, le roman est découpé en huit chapitres faisant se succéder autant de journées - le neuvième et dernier faisant office d'épilogue. Fabio Andina y épouse la marche du temps avec ses variations climatiques, son narrateur égrenant les heures en se fiant aux cloches du village ou à la rotation du soleil car il n'a pas de montre hormis son réveil matinal, et notant les températures, la pluie, la neige ou le vent...

 

L'auteur juxtapose ou coordonne des phrases plutôt courtes sans introduire aucune hiérarchie, se bornant à constater sans analyser ni interpréter, ses descriptions poétiques de la nature restant empreintes de sobriété. Quant aux paroles des divers protagonistes, elles sont le plus souvent intégrées dans la narration au discours indirect libre et les rares dialogues ne sont marqués que par un retour à la ligne sans tiret, ce qui donne fluidité au texte. D'autant plus que ce déroulement temporel linéaire au présent n'est que rarement interrompu par de courts flashes-back au passé - quand le narrateur évoque brièvement un souvenir d'enfance ou que le Felice raconte la vie d'autrefois.

Cette écriture minimaliste réussit ainsi à insuffler la lenteur du temps s'écoulant goutte à goutte. Précise, détaillée et riche d'adjectifs variés, elle déroule minutieusement de petits instants successifs comme un film au ralenti, leur donnant ainsi toute leur intensité, leur plénitude. Et le lecteur se coule aisément dans ce rythme.

 

Un film documentaire

L'auteur a étudié le cinéma aux Etats-Unis et cela se sent dans son écriture, cette chronique s'apparentant plus à un film documentaire. Bien que narré à la première personne le "je" reste en retrait et on a l'impression qu'une caméra suit le Felice au fil des jours, nous happant dans son sillage.

Le cinéaste se montre très attentif à la lumière - qu'elle émane du soleil ou, la nuit, des lampadaires ou des fenêtres illuminées -, attentif aux angles d'éclairage des scènes comme à tous les sons (souvent retranscrits sous forme d'onomatopées) qui se détachent dans le silence. Des scènes s'attachant plus à la description des lieux, des protagonistes et de leurs gestes qu'aux rares échanges de paroles. Et même quand le vieux Felice raconte ce que cuisinait sa mère, "il raconte comme s'il la voyait cuisiner devant".

Avec un certain regard poétique, Fabio Andina fixe ainsi en images tous ces instants vécus. Des images simples comme ce linge étendu transformé en glaçons, ou rares comme ces quatre biches surprises dans la nuit et la neige, certaines se présentant même comme un tableau :

È lì, incorniciato dalla finestra aperta, il suo mezzobusto, la camiccia sbottonata, due vasetti di yogurt in mano e altri sul davanzale. Lo guardo. Mi guarda. È un attimo che si fissa nella mia mente come un dipinto.  (p.39)
Il est là, dans l'encadrement de la fenêtre ouverte, la moitié de son buste, la chemise déboutonnée, deux pots de yaourt à la main et d'autres sur le rebord. Je le regarde. Il me regarde. C'est un instant qui se fixe dans mon esprit comme un tableau.

 

Il Felice (Fabio Andina)

Un roman initiatique en forme d'hommage au Felice et au val Blenio

C'est un beau roman d'initiation magnifié par la présence du Felice, un authentique philosophe dont le rapport au monde, au temps et à la nature se double d'un grand respect de l'autre. Car beaux ou laids, crétins ou savants, nous deviendrons tous "compost" : tous égaux face à la mort.

Ce vieillard ascétique au pas encore vif, toujours en mouvement, et dont les besoins sont réduits à l'essentiel évolue dans le microcosme du Val Blenio qui apparait comme l'antithèse de notre société de consommation. Comme une société solidaire où on ne gaspille rien, où on s'enquiert toujours de l'autre sans pour autant se montrer intrusif, respectant aussi sa solitude, son intimité  : "Ici dans la vallée, si tu as besoin d'aide, tu trouves toujours quelqu'un pour te donner un coup de main".

Une société généreuse où on échange un service contre un autre "pour rendre la faveur".

 

Le narrateur, peu habitué à cette vie simple et rude, va,  après avoir suivi le Felice à l'aveugle, peu à peu s'immerger dans son mode de vie et son rapport au monde. Ses sens vont s'aiguiser et il va apprendre à voir dans la nuit et à tendre l'oreille, à prendre des repères dans la nature et à en décrypter la beauté dans ses manifestations les plus simples. Il va surtout, au côté de ce vieillard taciturne, s'initier à la richesse du silence : "Il ne me viendrait pas à l'esprit de dire quoi que ce soit, comme ça, juste pour meubler."

Et les deux hommes vont ainsi se rapprocher, le narrateur, comme l'auteur (4), et le Felice partageant beaucoup de traits. Imitant son modèle, le narrateur se met ainsi à parler comme lui : "Puis je dis bòn, nèm". Et il tente même de mastiquer une gousse d'ail avec un bouquet de persil !

Fabio Andini rend ainsi un bel hommage au Felice et au Val Blenio, à la beauté de la montagne comme à la chaleur des habitants de Leontica.

4) L'auteur s'entendait bien, à ses dires, avec ce vieux montagnards car ils étaient très similaires : taciturnes, grands marcheurs, amoureux d'une vie minimaliste, de vieux rites et rituels qui disparaissent...

 

Du style et de sa traduction

Anita Rochedy a débuté en traduction en 2016 avec Le garçon sauvage de Paolo Cognetti dont elle a ensuite traduit Le Otto montagne/Les huit montagnes, remportant  le prix Terra Nova de la fondation Schiller 2018, puis son récit Senza mai arrivare in cima/Sans jamais atteindre le sommet. Elle s'affirme ainsi comme une spécialiste de la littérature de montagne.

Je n'ai personnellement lu les livres de Paolo Cognetti qu'en langue originale, contrairement à La Pozza del Felice dont j'ai lu la version française, Jours à Leontica, juste après avoir découvert le roman en italien. Et j'ai souvent été déçue par cette traduction qui, à mon sens, ne sert pas toujours le texte de Fabio Andani.

 

L'auteur intègre dans sa narration quelques helvétismes comme le "Natel" (le "telefonino" italien) et surtout des termes locaux comme "baita" (chalet), "piode" (lauzes), "boasce" (bouses)..., reprenant tournures et interjections dialectales ou formes verbales typiques de l'oralité (5), et faisant de plus précéder tous les noms propres de personne d'un déterminant (il Felice, la Vittorina) - coutume dialectale et populaire propre à toute l'Italie. C'est que, contrairement au narrateur citadin, "Le Felice, comme tous les habitants de Leontica, parle seulement le dialecte de la vallée de Blenio".

Et, dans un style qui s'écoule comme la parole et enveloppe le plus souvent insensiblement le discours des villageois dans le récit, Fabio Andina réduit l'écart entre écrit et oral.

5) "Mèrzi" (grazie), "bondì" (buongiorno), "poro" (povero) pour parler de morts, les interjections "nèm" et "bòn"..., tandis que les verbes perdent leur voyelle finale ("vengon"(o), "mangiam"(o))  ou que l'on trouve l'indicatif et non le subjonctif après "penso che"...

Anita Rochedy a conservé les déterminants précédant les noms propres de personne et su garder en italique nombre de termes montagnards ou désignant des objets locaux sans qu'il soit nécessaire de les traduire, tout en introduisant judicieusement par ailleurs un certain nombre de romandisme. A commencer par "gouille", mot vieilli encore courant en Suisse romande pour nommer mare ou trou d'eau, mais aussi "boilles" pour désigner les bidons de lait, "parquer" pour garer ... Et s'il n'est pas gênant de la voir traduire "colazione" par "déjeuner", "pranzo" par "dîner" et "cena "par "souper" comme dans les campagnes, traduire "novanta" par "nonante" (s'agissant de la narration et non du discours des habitants de Leontica) certes ne choquera pas le lecteur suisse (ou belge) mais rompt la fluidité du récit pour un lecteur français.

 

La distance entre écrit et oral est moindre sur le plan syntaxique dans la langue italienne qui conserve la négation "non" alors que le français supprime à l'oral le "ne" de "ne...pas". De même, le pronom sujet du verbe n'étant pas exprimé en italien, on ne peut jouer sur la non inversion du sujet dans les verbes introducteurs du discours.

La traductrice supprime habilement la négation dans toutes les prises de paroles des personnages et préfère toujours "il dit" à "dit-il", ce qui suffit amplement à mon sens à rendre l'oralité du texte, sans qu'il soit besoin d'en rajouter.

Malheureusement elle a tendance à en faire trop, haussant toujours d'un degré la nuance familière ou populaire de certaines tournures du Felice ou de ses compagnons villageois, et rajoutant même du texte pour la conforter (6)! On ne retrouve alors ni la lettre ni l'esprit du texte initial.

6) On ne peut ainsi à mon sens traduire sans trahir «Meglio lui che me, aggiunge voltando la pagina. Che almeno ha finito di tribulare.» (littéralement "a fini de souffrir") par "Mieux vaut sa pomme que la mienne, il ajoute en tournant la page. En tout cas il a soufflé sa camoufle, c'en est fini pour lui le turbin" ! Ou «Ti fan la barba e poi ti puliscono con la lavette» par "Et vas-y que je te fais la barbe, que je te débarbouille".

Et traduire systématiquement «brutto» par "moche", «operaio tuttofaro» ("homme à tout faire") par "larbin" ou, dans la bouche d'une enfant, «piena di roba» ("plein de choses") par "une pétée de trucs" ne fait que donner au texte un aspect relâché ordinaire qu'il n'a pas ...

Anita Rochedy conserve à juste titre le "ne" de la négation dans les parties narratives, mais il paraît déplacé d'y traduire le très correct «Sono figlie della maestra Sabina» en ajoutant en français deux fautes de grammaire : "C'est les filles à la Sabina, la maîtresse..." ! Elle semble en effet oublier que son narrateur citadin – et en partie double de l'auteur - n'a aucune raison de s'exprimer de manière si incorrecte, même à l'oral. Et je ne cite ici que quelques exemples, tout étant du même acabit (7), surtout dans les premiers chapitres.

7) «Libro» traduit par "bouquin", «le gambe pesanti» par "les jambes en compote", «mal vestita» par "mal fagotée", «Sono stato licenziato tre mesi fa» par "Je me suis fait virer il y a trois mois", le sobre «Esce molto sangue par "Je pisse le sang.", le très correct «Ci versa dentro le sue erbe secche. Che erbe sono ?»  par "C'est quoi que tu mets ?"...

 

Si Fabio Andina réussit à introduire avec subtilité l'oralité haute en couleur de certains villageois et même avec humour la vulgarité de certains touristes débarquant dans un bar de Leontica, cela ne nuit jamais à la sobriété minimaliste et à l'authenticité de son récit, contrairement à cette traduction qui trop souvent, par excès, sonne faux.

Anita Rochedy, à ses dires, n'a pas cherché à contacter l'auteur au cours de son travail (certes il y a eu le Covid mais on peut communiquer par mail ou par téléphone). Et cela me semble dommage de ne pas profiter de cette aide quand on traduit un auteur contemporain : sans doute sa traduction y aurait-elle gagné.

 

 

 

 

La pozza del Felice, Fabio Andina, Rubbettino, 2018, 210 p.

 

 

 

 

Jours à Leontica, traduit de l'italien par Anita Rochedy, Zoé, avril 2021, 256 p.

A propos de l'auteur :

 

Fabio Andina et né à Lugano en1972 et a étudié le cinéma à San Francisco. Il a notamment publié un recueil de poésies Ballate dal buio (edizione Ulivo, 2005) et deux romans Uscirne fuori (ADV, 2016) et La pozza del Felice (Rubbettino 2018), le seul traduit en français, ainsi qu'un recueil de nouvelles Sei tu, Ticcino (Rubbettino 2020).

 

EXTRAITS :

Uno

p.5

È lui che bussa e mi sveglia. Non sono le cinque e mezza. Scendo le scale e apro la porta e lo vedo lì nel buio sotto a un ombrello, camiccia sbottonata, braghette corte, scalzo. Entra un'aria fredda e piove. Mi vesto ed esco. A un chiodo piantato nel muro qui fuori c'è appeso il termometro regalatomi dalla Vittorina. Cinque gradi. Non è mica così freddo, mi dico. Sarà che non sono abituato a svegliarmi tanto presto.

Ieri avevo incontrato il Felice fuori dalla mia baita in un pomeriggio di sole, sulle cime delle montagne si addensavano le prime nuvole grigie che avrebbero poi oscurato il cielo ancora prima del tramonto. Stavo dando l'impregnante alla porta della legnaia, era passato vestito uguale e sempre a piedi nudi e con un sacchetto di plastico pieno di cachi. Avevamo scambiato due parole poi gli avevo chiesto se potevo seguirlo nelle sue giornate. Per vivere un po' come fa lui.

Scendiamo i tre gradini di sasso e c'immergiamo a passo spedito dentro la nebbia e sotto l'acqua e lungo il viottolo acciottolato che serpeggia fra le baite. Baite vecchie di secoli e inponenti come le pietre delle loro mura. Le travi dei tetti storte sotto il peso delle piode e le piccole finestre ancora mute. La luce di un qualche lampione posato dal comune c'illumina un poco la via.

 

p.9/10

(…)

Fuori dalla pineta la pendenza si addolcisce un poco e il Felice accelera il passo. Proseguiamo fra una miriade di scuri cespugli di mirtilli e di arbusti di rose delle alpi e forse anche di azalee alpine. Con il buio sembrano tutti uguali. Qua e là si scorgono le sagome nere e basse di pini mungo e quelle slanciate di abeti solitari. Continua a piovere e il vento quasi insopportabile tira ruvido pungendomi la faccia. Mi cola il naso l'asciugo nella manica bagnata e fredda del maglione. Il resto del moi corpo è accaldato.

Adesso il sentiero è quasi visibile sotto i miei piedi. Un solco profondo una spanna e largo tre. Come quelli che fanno le mucche negli alpeggi. Sento bisbigliare il torrente Gurundin alla mia destra ma non riesco a vederlo. Facendo due calcoli, a questo punto saremo arrivati più o meno a millecinquecento metri di quota. Ma non ne sono sicuro perché non riesco ancora a orientarmi e ho perso la cognizione del tempo. Non porto l'orologio e il Natel l'ho lasciato a casa. Tanto chi vuoi che mi chiama a quest'ora ? Nemmeno il Felice ce l'ha, l'orologio. Lui è davanti a me, leggero e a piedi nudi con il freddo che fa, veste soltanto delle braghette tagliate fuori da un paio di jeans e una camiccia di flanella con le manicche corte, sbottonata, e con l'ombrello aperto sopra la testa.

Lo scorso mese di settembre, il Felice ha compiuto novant'anni.

 

Accompagnati dal gorgoglìo del Gurundin alla nostra destra, a ogni passo distinguo sempre meglio sia le forme che le distanze. Le nuvole si stanno alzando e i profili scuri delle montagne iniziano a stagliarsi contro il cielo che rischiara appena appena.
E infine, dopo un interminabile periodo di silenzio, il Felice dice bòn e si ferma. Mi fermo anch'io, prendo fiato poi la vedo.

La pozza.

(...)

 

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