Ceux qui ne meurent jamais, de Dana Grigorcea

Publié le par Emmanuelle Caminade

 

 

Spécialisées dans les littératures européennes, les toutes jeunes éditions Les Argonautes se sont d'emblée imposées en publiant deux magnifiques et marquants romans (La Vierge néerlandaise et Bolla) en janvier et février 2023. Et elles frappent à nouveau un grand coup pour leur première rentrée littéraire avec Ceux qui ne meurent jamais, un roman sur le thème des vampires.
 

Ce thème en vogue dans la littérature gothique anglaise du début du XIXème siècle fut relié en 1897 pour la première fois au prince valaque Vlad l'Empaleur par l'écrivain irlandais Bram Stoker dans son roman Dracula (1), un célèbre ouvrage qui l'entretint durablement, le thème étant beaucoup repris par la suite au cinéma, et notamment dans le film culte érotique et baroque de Francis Ford Coppola sorti en 1992 : Bram Stoker's Dracula.

1) Vlad III était surnommé "dracul" ou "drǎculea" (dragon), ce défenseur de la chrétienté étant comme son père membre de l'ordre du dragon (le dragon victorieux était un symbole de la chrétienté)

 

 

S'intéressant symboliquement à ces fantômes sortant de leur tombe pour se nourrir du sang des vivants, à ces  morts-vivants  qui se perpétuent, Dana Grigorcea, écrivaine d'expression allemande et d'origine roumaine, nous propose une réinterprétation allégorique magistrale de ce mythe de Dracula nourrissant les imaginaires. Elle s'appuie en effet habilement sur la double image du vampire et de l'homme fort et juste (2) - que revêt encore en Roumanie ce cruel prince du XVème siècle qui empalait ses ennemis et rétablit l'ordre en son royaume corrompu par d'avides boyards. Et, dépassant l'allégorie simpliste prévisible, elle nous entraîne dans un roman d'une grande originalité embrassant un très large champ.

Dans Ceux qui ne meurent jamais (paru en Suisse en 2021 sous le titre original Die nicht sterben), l'auteure ne se contente pas en effet de stigmatiser avec ironie la vampirisation continue du peuple roumain de la dictature à l'ère postcommuniste en pointant l'immense gabegie résultant des multiples magouilles auxquelles se livrent tous ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir. Mais, éclairant la vérité de ce personnage que l'historiographie roumaine présenta comme un despote éclairé et qui eut sa place dans le panthéon communiste, elle s'interroge sur cette fascination universelle pour les hommes forts et la montée des nationalismes et des populismes, sur ce culte du chef qui semble traverser les siècles.

Se jouant tant des clichés du roman gothique et des films de vampires que de ceux du roman satirique socio-politique, et disséminant de nombreux symboles et signes prémonitoires (3) tout en inventant avec malice et poésie des images étonnantes (4), elle nous offre ainsi un roman onirique et fantasmagorique foisonnant à la fois mélancolique et subtilement burlesque qui amène chacun d'entre nous à se remettre en cause en se regardant dans le miroir, à l'instar de son héroïne narratrice.

 

2) Une vérité différente sur Vlad III provenant de sources étrangères (ottomanes, allemandes et slaves) n'est bien sûr pas parvenue en Roumanie sous la dictature et, avec la censure,  les échos du livre de Bram Stoker et toute cette mythologie vampirique s'étant développée autour de Dracula ne gagnèrent que tardivement ce pays

3) Comme ce "Zitti zitti moviamo a vendetta" du Rigoletto de Verdi chanté par un invité, ou la jeune héroïne trempant innocemment ses biscuits cuiller dans la limonade rouge de jus de framboise ...

4) Comme celle d'une héroïne en chemise de nuit disputant sous les projecteurs un match de tennis nocturne acharné avec le fils de l'ex-maire sur le court de sa villa ...

 

 

Enfant et adolescente, l'héroïne-narratrice passe tous ses étés en Valachie aux pieds des Carpates dans une grande villa au jardin fleuri de la bourgade de B. (4), avec sa très bourgeoise grand-tante Margot et les nombreux amis de Bucarest qu'elle y invite. Elle profite ainsi de la joyeuse animation de cette élite citadine cultivée éprise de beauté qui rit et festoie avec insouciance, et s'amuse ou court la campagne en toute liberté avec les petits paysans de son âge, notamment avec ses amies Tina et Arina, tombant même amoureuse du jeune Traïan gardant les vaches. Après des études à Paris pour devenir artiste-peintre, elle revient dans cette région rurale où elle se sent vraiment chez elle, espérant y trouver inspiration pour sa peinture. Semblant marcher sur les traces de Stefan Luchian (5), elle voudrait célébrer sa Roumanie (et lit même, encouragée par "Mamargot", beaucoup de contes populaires) : «Le peintre en moi voulait retrouver la sensualité d'antan, le contact avec la nature, la matière, me frotter aux choses dans mes activités de tous les jours, comme on ne peut désormais le faire que dans les mondes qui ont gardé leur simplicité, des mondes primitifs.»

Mais B. n'est plus comme avant : «Même sous un soleil radieux, B. m'était devenu étranger, méconnaissable». Le village en effet, abandonné par ses habitants contraints d'émigrer pour trouver du travail est plein de ruines d'où s'échappent au crépuscule des nuées de chauves-souris, alors que Sabin, l'ancien maire sans scrupules, et maintenant son arrogant fils Ata vivent dans le luxe. Dès la première nuit, l'héroïne entend un cri glaçant et, à l'occasion d'un enterrement, on découvre un cadavre avec la marque de ces empalements pratiqués par le prince Vlad sur une très ancienne tombe gravée de l'insigne de l'ordre du dragon dans la crypte possédée par son honorable famille au cimetière. Une bonne occasion pour Sabin -  qui rêve d'installer à B. un "Dracula Park" (6) - d'y attirer en masse les touristes, accrochant même au-dessus de la bâche grise recouvrant le bâtiment de la mairie (soi-disant en attente de rénovation)  «un gigantesque portrait de Vlad l'Empaleur qu'on illuminait la nuit, assez fort pour éclairer aussi les toilettes mobiles installées à proximité.»

Imaginative et sensible, la narratrice se voit également devenir autre, semblant presque possédée. Ses nuits sont envahies de cauchemars souvent érotiques, ses perceptions  se modifient et s'aiguisent curieusement et elle s'abstrait de plus en plus de ce monde qui lui semble désormais importun, sa violente répulsion vis à vis de ce qu'est devenu B. faisant monter en elle une sourde colère et un esprit justicier, tandis qu'elle tient parfois des propos qui ne lui ressemblent guère ...

 

4) B. que tout lecteur curieux reconnaîtra mais qui pourrait être n'importe qu'elle bourgade de n'importe quel pays, ce que signifie sa désignation par sa seule initiale

5) L'héroïne semble avoir les mêmes sources d'inspiration (histoire, nature, paysages ruraux et traditions roumaines) que Stefan Luchian (célèbre peintre roumain du début XIXème aux peintures desquelles il est souvent fait référence dans le roman), et même être passée comme lui par une période Gauguin

6) Le projet d'un parc à thème (datant de 1995) qui avait réuni plus de 5000 actionnaires fut finalement rejeté plusieurs années après comme préjudiciable à l'image de la Roumanie. On note par ailleurs que l'éditeur publiant la version anglaise de Die nicht Sterben donne de manière racoleuse à ce roman le titre de Dracula Park (Sandstone Press, 17 août 2023), ce qu'heureusement n'a pas fait l'éditrice française

 

Réveiller les consciences

Lorsqu'ils deviennent tels, ils sont frappés de la malédiction d'immortalité ; ils ne peuvent pas mourir, mais doivent partir, siècle après siècle, à la recherche de nouvelles victimes et multiplier ainsi les maux et malheurs du monde. Car tous ceux qui meurent victimes d'un non-mort deviennent eux-même des non-morts condamnés à rechercher de nouvelles proies. Et ainsi le cercle va s'élargissant, comme ceux que dessine une pierre lancée dans l'eau.
(Bram Stoker, Dracula)

Reprenant la "malédiction d'immortalité" du Dracula de Bram Stoker, Dana Grigorcea la place au centre de son roman, ce qu'indiquent son titre, Ceux qui ne meurent jamais, comme son épigraphe tutélaire (ci-dessus). Car au travers de ces morts-vivants qui se perpétuent et multiplient les maux et les malheurs du monde, elle peut mener sa réflexion politique et sociale en la mêlant très pertinemment au parcours personnel de sa narratrice. Cette histoire de vampires reflétant l'état passé et actuel de la société roumaine (et de bien d'autres), combinée à la vision de Vlad l'Empaleur comme celle d'un «père sévère mais juste» garant de l'ordre répondant aux aspirations populistes d'autrefois comme d'aujourd'hui, permet en effet également à son héroïne, peintre se regardant dans le miroir pour réaliser son propre portrait, de se voir elle-même et d'inviter chacun à comprendre sa responsabilité dans le processus : «Personne n'en voudrait à quelqu'un de se regarder dans le miroir et de réfléchir à soi, au contraire. Cela invite aussi les autres à réfléchir à eux-mêmes.»

L'auteure croit au pouvoir salvateur de l'art qui ouvre le coeur et l'esprit et notamment de la littérature qui peut amener le lecteur à se remettre en question et se montrer plus tolérant envers les autres. Et le choix narratif  d'une héroïne artiste nous racontant ses souvenirs d'une enfance champêtre idyllique puis cette histoire violente incroyable qu'elle a vécue (ou peut-être rêvée), et qui s'adonne à la technique de l'auto-portrait s'avère des plus judicieux. Car «les spectateurs du tableau ont alors l'impression que c'est le sujet peint qui les regarde», leur visage se réfléchissant dans ses pupilles comme dans un miroir.

Au-delà de la proximité induite par le "je", tout est fait de plus pour faciliter l'identification nécessaire du lecteur à l'héroïne qui raconte cette histoire : une héroïne non nommée qui sans cesse s'adresse à lui, le prenant à témoin et lui confiant ses doutes avec une grande sincérité. Cette dernière n'exclut pas ainsi que ses souvenirs soient inexacts et aient été déformés par les commentaires postérieurs des médias, ni qu'elle ait pris ses rêves pour la réalité, ce qui nous amène paradoxalement à la suivre sans résistance dans ses fantasmagories les plus délirantes. Son récit imagé et plein de sensualité est par ailleurs si évocateur que tous nos sens s'aiguisent également, et elle y fait preuve de tant d'imagination et de drôlerie qu'elle nous fait insidieusement cautionner ses dérives : nous moquer des superstitions de Mademoiselle Sanda, ce résumé des traditions et du folklore roumain, rire de ces chasseurs d'ours autrichiens devant «payer leur tableau de chasse au poids» au lieu de nous indigner de ces permis de chasse leur ayant été illégalement monnayés, et partager son mépris pour ces touristes envahisseurs avides de sensations fortes qui, luisant de crème solaire, déambulent en bermuda dans le cimetière en quête de selfies et qu'elle s'amuse à portraiturer en Vlad l'Empaleur... Et la narration très classique au passé simple, adoptant avec aisance un langage fluide et élégant et intégrant des dialogues pleins de vivacité, rend très crédible cette héroïne instruite appartenant à une classe privilégiée et parlant plusieurs langues, nous faisant trouver naturel cet intense recours à l'intertextualité, cette abondance de références littéraires, picturales et musicales toujours profondément signifiantes (7), et ne pas nous offusquer que les courts passages en anglais ou en latin (le roumain étant une langue latine) ne soient jamais traduits en note. 

7) Comme l'évocation à plusieurs reprise de la marche de Radetsky composée par J. Strauss père en l'honneur d'un maréchal autrichien ayant rétabli fermement l'ordre après les révolutions de 1848, ou l'air "Adieu notre petite table" (en français dans le texte original) de l'opéra Manon de J. Massenet quand l'héroïne voit que le paradis de son enfance a disparu. Intervenant toujours à bon escient, les multiples citations lyriques se justifient de plus dans une fine assemblée  fréquentant l'opéra de Bucarest (un des invités y étant même baryton), comme les citations bibliques dans une région traditionnellement attachée, comme Vlad l'Empaleur, à la chrétienté ...

 

 

Un parcours instructif

 

La narratrice fera très tard «le lien entre cette horrible affaire et [son] environnement», et nous suivons de manière instructive son évolution, tandis que l'atmosphère du roman change radicalement.

Dans ce conte initiatique, l'auteure exalte tout d'abord avec une joyeuse et lumineuse mélancolie l'«enfance enchantée» de son héroïne, remémorant avec beaucoup de fraîcheur ses perceptions enfantines et ses jeux avec les petits villageois qu'elle appréciait en toute innocence sans la moindre conscience des frontières qui les séparaient, et décrivant avec ferveur la simplicité et la beauté des paysages qui l'entouraient : «Notre jardin bigarré et le chemin qui montait du portail aux collines où paissaient vaches et chevaux séparaient la forêt de quelques villas élégantes et de parcelles informes avec les granges et les petites exploitations des gens du pays : des fermes où s'ébattaient poules, oies, dindons, chiens et chats, avec, au milieu des maisons basses aux toits de tôle rouillée.

A cette vue je sentais monter en moi la vague de ce bonheur qui me submergeait toujours en contemplant cette présence joyeuse, et la conviction que c'est à cela que ressemblait l'éternité, le paradis.»

Liberté et folle gaieté régnaient aussi dans le petit monde des adultes, ces derniers moins innocents (ce qu'elle n'était pas à l'époque en mesure de déceler mais nous fait bien sentir dans ce récit postérieur) ne voyant en B. qu'une «merveilleuse villégiature». Un petit monde parallèle qui, comme sa reine Margot regrettant «l'époque civilisée d'avant la dictature» et fustigeant «l'ineffable kitsch communiste» et cette «basse-classerie» avec un mépris de classe affiché, s'accommodera des deux régimes tant que son confort n'est pas affecté.

C'est surtout ce paradis perdu de l'enfance que regrette l'héroïne à son retour, "autrefois" n'ayant pas pour elle la même signification que pour sa grand-tante, et l'enterrement de Madame Didina  résonnera ainsi comme les funérailles de ce pays aimé exsangue et défiguré. Un pays qui sombrera ensuite dans l'horreur car on a facilement tendance à penser qu'escroquer les escrocs ou violenter les êtres malfaisants se mue en vertu, raisonnement qui, invitant le monstre à entrer en soi, ne fait que diffuser et amplifier le mal. Et, idéalisant le passé comme Margot, sa réaction sera celle de la radicalisation, tandis que, les moeurs se gâtant,  tous espèrent un homme fort capable de remettre de l'ordre : «- Ah ! Empaleur, Prince ! Que ne reviens-tu ! / Juger d'une main de fer» (8). Un engrenage illustrant cette malédiction qui n'est pas seulement le propre de la Roumanie,  comme en témoignent les réactions des touristes étrangers.

 

Vlad l'Empaleur

Mais l'art réussira à sauver l'héroïne. Ce sera d'abord une expérience mystique dans une petite église où elle contemple avec son ami Yunus une fresque représentant les martyrs. Devant ce «carnage tout en couleur peint avec tant d'art», elle sera «saisie d'un tremblement paroxystique» lui donnant l'impression d'expulser quelque chose de son corps. Yunus au contraire, refusant de voir «la méchanceté du monde, son abominable souffrance», trouvera une pirouette pour faire diversion, préférant se faire submerger par un rire fou. Elle réalisera alors combien aujourd'hui le sarcasme et la plaisanterie se substituent au respect et commencera à comprendre que le monde a besoin que l'on se détache de soi et se laisse pénétrer d'amour et de tolérance, d'empathie et de compassion.
Puis peignant son autoportrait «
en manteau de velours rouge avec de gros boutons d'or sur la poitrine» et voyant dans le miroir l'image du prince Vlad l'Empaleur la regardant droit dans les yeux, elle en sera horrifiée et se remettra en cause. A son petit niveau, dans son simple quotidien, elle saura alors «réconforter Mademoiselle Sanda qui toute sa vie n'avait fait que penser aux autres». Et, sortant de son apathie dans un geste dérisoire mais symbolique de son changement, elle saura courageusement se désolidariser des rires de la foule au spectacle de l'humiliation d'une innocente et faible créature.

8) Vers tirés d'un poème épique du poète roumain du XIXe Mihai Eminescu sur le Prince Vlad III

Moi et le village, Marc Chagall (9)

Une fresque valaque

«J'écrirai comme je peux, j'écrirai un tableau sur un mur, une fresque valaque avec, au milieu de l'image, un démon bien précis

Ce récit merveilleux empli de sensualité, d'humour et de culture se déroule en Roumanie sur trois temps : du temps suspendu de l'enfance «sous la tyrannie» à la période postcommuniste marquée par toutes les dérives et les nuisances de la modernité capitaliste, avec plusieurs longs sauts remontant à cette histoire méconnue du XVème siècle sous Vlad l'Empaleur (et auparavant son père Vlad II). Et entre jours et nuits, réalité et rêves, son atmosphère onirique donnant au réel une dimension poétique évoque plus les toiles sans perspective de Chagall avec leurs éléments éparpillés et entremêlés et leurs formes flottantes qu'un roman ou un film d'horreur même si, se teintant de mystère et devenant peu à peu plus sanglante, elle tient aussi du roman noir à suspense.

Ceux qui ne meurent jamais, outre une peinture nostalgique du paradis perdu, s'avère une sorte de rhapsodie (10) savamment nourrie des traditions populaires de la Valachie et de son patrimoine artistique, de sa cuisine et de ses coutumes, de ses rituels religieux et de ses nombreuses superstitions, ainsi que de tous les stéréotypes sur le pays de Dracula : une rhapsodie qui n'occulterait de plus aucun des aspects déplaisants de son histoire ancienne ni de sa réalité actuelle.

C'est aussi un vaste panorama, une vision surplombante de l'espace et du temps entremêlant ces derniers  : «Aimais-je ce pays comme nos aïeux étaient censés l'avoir aimé ? Je passai devant des stations-services, des villages, des fabriques en ruine, les bâches de plastique des maraîchers qui flottaient au vent, et cherchai une ressemblance avec la topographie des lieux que j'avais autrefois en tête, pas plus loin qu'à l'adolescence.

Lentement je voyais défiler des blocs d'immeubles aux fenêtres éclairées d'une lueur bleue, des réclames lumineuses qui clignotaient (...) Au niveau d'une maison en torchis je respirai aussi l'odeur prégnante de la peau d'aubergine brûlée. Mon pays !

Au sol une voiture à cheval tourna au-dessous de moi, les chevaux me flairèrent et se cabrèrent aussitôt. C'était bien moi sur la pointe des poteaux électriques dont les touffes de câbles noirs pendaient jusqu'à terre, et je parcourais la région avec la conscience d'un messager du prince chargé d'inspecter le pays et les gens, de noter les preuves de mauvaise gestion, les chantiers abandonnés, les voitures garées en désordre sur les trottoirs, la quantité absurde de bancs dans les parcs et les innombrables bureaux de change ou de loterie.»

Dana Grigorcea brosse ainsi une magnifique fresque valaque réunissant avec malice autour de la double figure symbolique de Vlad l'Empaleur et de Dracula toutes les couleurs, les musiques et les parfums, toutes les facettes contrastées permettant d'approcher la vérité de la Roumanie.

9) Toile où l'artiste remodèle le monde magique de son enfance, la chèvre (faisant également partie du folklore roumain) étant pour lui un appel à la tendresse. On y voit ainsi un petit village avec son église orthodoxe, une femme dansant à l'envers, une autre trayant une chèvre...

10) Une rhapsodie (littéralement "couture de chants"), est une oeuvre savante de forme musicale très libre formée sur des airs populaires (et les célèbres rhapsodies roumaines de Georges Enesco sont plusieurs fois citées dans le roman)

 

 

 

 

 

 

 Ceux qui ne meurent jamais, Dana Grigorcea, traduction de l'allemand par Elisabeth Landes, éditions Les Argonautes, 22 août 2023, 272 p.

 

A propos de l'auteure :

Née à Bucarest en 1979, Dana Grigorcea vit à Zurich. Elle a étudié la philologie et la littérature ainsi que la mise en scène et est éditrice et écrivaine. Ses romans sont salués par la critique et lui ont valu de nombreux prix, dont récemment le Prix suisse de littérature 2022 pour Die nicht Sterben. La dame au petit chien arabe, s'inspirant de la nouvelle de Tchekhov est parue chez Albin Michel en 2018 dans une traduction de Dominique Autrand.

 

EXTRAIT :

 

On peut feuilleter les premières pages (p.13/28)  : ici

 

 

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Publié dans Fiction

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