A la cime des heures, de Jean-Pierre Boulic

Publié le par Emmanuelle Caminade

A la cime des heures, de Jean-Pierre Boulic

 

A la cime des heures, recueil de poèmes en vers libres, nous renvoie à ces livres d'heures qui rythmaient de leur liturgie les différents moments de la journée. Son titre semble ainsi unir la prière à l'ordinaire du quotidien, tout en pointant le constant souci d'élévation d'un poète chrétien ayant toujours allié dans son œuvre simplicité et mysticisme.

Préfacé par le moine Frère François Cassingena-Trévedy, ce dernier opus résonnant parfois comme une sorte de bilan revêt une tonalité mystique particulièrement prononcée.

 

 

 

Ce «désir d'horizon» qui «élève le songe vers ce qui t'échappe» marque d'emblée le poème L'OREE ouvrant la première partie, fondatrice, intitulée LIEUX.

Aux jours premiers du chemin de vie comme du chemin poétique de Jean-Pierre Boulic se trouvent en effet ces lieux bretons * aimés :

 

«Talus vallons et chèvrefeuilles

Des haies où nichent les oiseaux

La dune vers la mer

Les oyats les ajoncs

Des lieux qui sont d'enfance» (IMPRESSIONS)

 

Des lieux qui, dans ce paisible sentiment d'éternité propre à l'enfance, sont à la fois ceux où il s'enracina dans cette terre et pressentit un au-delà («Ces lieux de patience/ Où tes pas s'enracinent»). Des lieux placés sous le signe de l'Océan, de la «geste des marées» et des «grands vents d'hiver qui déplacent la frange du paysage», de ce souffle, de ce «grand mouvement de l'univers».

D'où cette sorte de ressac entre entre ancrage et élévation, entre ici-bas terrien et au(haut)-delà, fragile existence et indicible infini pressenti qui berce tout ce recueil.

Un va-et-vient s'étendant aux saisons :

 

«La terre vivifiée

Comme pleine de grâce

Où fleurissent

Immortelles et roses

D'un printemps revenu»(NOUVELLE SAISON)

 

Comme à tous ces jours qui meurent et renaissent, et à l'élan de la création :

 

«Aussi tes pensées à la lueur de l'aube

Vont et viennent survolant l'immense

Océan intérieur (...)»(A L'OREE)

 

* Lieux tant d'appel du Seigneur que de louange de sa création, comme le montrait déjà son recueil L'Offrande des lieux

 

 

 

S'appuyant sur cet élan de la création (tant de l'inspiration du poète que de la divine Création) et sur le mystère de la Résurrection qu'évoquent ses deux premiers poèmes (POTIER et ALLER AU COEUR), la deuxième partie, L'HEUR DE PATIENCE nous fait pénétrer au cœur du Silence et de la Patience de l'Attente : au coeur  d'un Temps éternel :

 

PARADOXE

La douceur de ton encre

Pose le silence

Son visage que l'on ne voit pas

Plus haut plus loin

Que l'ombre du saule tortueux

 

Et ce geste seul

Vers ce qui s'accomplit

Allant le temps de la patience

Au-delà de tout

S'en vient de la racine du monde

 

 

Et le temps décrypte

Au très bas de l'univers

Un air de printemps (VOIR)

 

Acmé de ce recueil, la troisième partie, L'ETINCELLE D'UN RIEN s'avère une sorte de psaume louant les biens de ce monde terrestre en déclinant le miracle enchanteur du printemps.

Et, voyant scintiller le silence au-delà de son regard sur la résurrection de la nature, le poète y célèbre le miracle de cette rencontre inattendue d'une présence se révélant dans le mystère des choses. D'un souffle venant irriguer son «verbe pauvre» :

 

L'étincelle d'un rien

Enchante

Les lueurs du matin

Et la voix du silence

A la source des mots (VOIR)

 

 

La dernière partie, BENIR LE TEMPS, prend enfin l'allure d'une profession de foi, Jean-Pierre Boulic, bénissant ce temps humain participant du temps éternel, «De cette admirable lumière/ Qui ne s'émiette plus/ Parce que tout est accompli» (LE POEME).

Il y revient sur les racines mystiques de sa poésie:

«Le silence du temps :

Rien d'autre à la racine

Du poème qui coule» (Idem)

 

Comme sur sa dimension proprement chrétienne.

Jouissant de son don d'entendre ce silence, de voir «Ce qui tient au secret/ Des miettes pour les pauvres/ Dans la lande d'amour» (SIMPLICITE DE COEUR), ce poète chrétien n'a en effet pour modeste ambition que de partager ces instants et d'ainsi «donner des couleurs» à «l'âpre sente des hommes».

Un poète qui, de «Ces mots simples où se rejoignent/ Les sourires et meurtrissures/ De nos fragiles existences », rend grâce au Seigneur créateur en clamant les bienfaits de l'univers :

 

« (...)

Chaque heure accomplit le temps .

Soleil pluie

Aussi sûrs que la patiente aurore

Allant les vergers le cœur des pommiers

Une parole nouvelle

A l'instant

Se réjouit et clame les bienfaits

De l'univers et de ses créatures

Sans ignorer la souffrance

Surprenante

Dévalant de ses milles souillures

Sur l'étroite margelle où se tient

L'homme.» (L'INSTANT)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A la cime des heures, Jean-Pierre Boulic, L'enfance des arbres, février 2022, 94 p.

 

A propos de l'auteur :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Pierre_Boulic

Publié dans Poésie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
souci d'élévation d'un poète chrétien
Répondre